Louise Forestier : Génération spontanée
Musique

Louise Forestier : Génération spontanée

Louise Forestier fait dans le fugace et le spontané. Elle aime les chiens et entrevoit sa vie, sa carrière, au même titre que son nouvel album: Éphémère.

"Mon ambition, c’est d’être bien dans ma peau, de comprendre les autres… Je n’ai jamais eu de plan de carrière, c’était assez… vague. Je me suis même parfois fait le reproche de manquer d’ambitions professionnelles", dit Louise Forestier au terme d’une conversation consacrée à son… 23e disque! "Vingt-trois? Déjà? Ils ont dû compter les compilations. Mais c’est vrai; tout est éphémère. Quarante ans de métier, ça passe tellement vite!"

Pire paradoxe, elle qui pose encore sur scène la terrible question "Pourquoi chanter?" avoue maintenant, dans la pièce apparemment anecdotique qui ouvre son disque, avoir jadis refusé les chansons de Jean Leloup: "T’étais ben moumoune/En quatre-vingt-deux/Pourquoi t’as refusé d’chanter mes chansons/Dis Johnny d’vant moi" (Pas d’choker pas d’collier). "En plus, je ne m’en souvenais même pas. Mais avec Jean, ce qui est bien, c’est qu’on n’est même pas obligé de répondre… De toute manière, il entend ce qu’il veut", rigole-t-elle franchement.

Dans un ouvrage où il est abondamment question de liberté, de chiens attisant l’humanisme, d’évitements, de quelques regrets, et des préoccupations d’une autre génération que la sienne, cette chanson réaliste contient déjà, dans le propos comme dans la forme, l’essentiel des récentes ambitions de Louise Forestier: écrire, composer, chanter, enregistrer le plus "naturellement" possible: "J’ai commencé à peindre il y a quatre ans. J’y ai trouvé une liberté totale. Je me suis dit que ce serait formidable de pouvoir écrire de la même manière. De lâcher prise, d’arrêter de vouloir "bien" faire. De cesser de se juger à chaque mot, chaque note et de ne pas avoir d’échéances. J’ai expliqué ça à Alexis et ensuite on s’est mis au travail."

Alexis, c’est Alexis Dufresne, membre de El Motor, guitariste, compositeur, mais avant tout ce fils de 36 ans qui a produit l’album de sa "moman". Travail de famille? Travail de proximité facilitant la simplicité volontaire en tout cas: "C’est un individu attentif qui a de grandes qualités d’écoute. J’ai fait 15 minutes de direction artistique… Il a emmené quelques amis de sa gang à lui, et comme ça fait 15 ans que je fréquente et coach des jeunes, tout ça était très compatible."

Quarante ans pile depuis la première des Belles-Soeurs de Tremblay. Quarante ans depuis L’Osstidcho, 40 ans cet automne depuis California et le premier "Crisse-crisse-crisse" de Lindbergh. Si elle se permet quelques anecdotes sur les excès de sa période beatnik dans Mescal, Forestier qui dit ne plus guère fréquenter le même monde que Charlebois et qui précise du même souffle "qu’il n’y a jamais rien eu de plus qu’une amitié entre nous" fréquente une autre génération socialement et professionnellement: "P’t’être que je vois que ça pousse autour, p’t’être que des amis dans la trentaine ça régénère… Je m’ennuie moins avec ces gens-là qu’avec des gens de mon âge. Et eux, ils s’intéressent plus à moi que les autres."

L’état de l’industrie l’impose; fini le rythme fou des années 70. Elle fait des disques aux cinq ans, sans urgence. Elle habite devant le parc Laurier où elle promène le Jack Russel qu’elle emprunte à une voisine quand elle s’ennuie de ces quadrupèdes dont elle est immensément amoureuse. Elle tourne loin de Montréal, des vertiges de Prince-Arthur, chante cependant la ville magnifiquement dans Lune au ciel de Montréal et imprègne tout son disque d’une atmosphère urbaine bleutée, quasi nocturne, comme une ampoule éclairerait de l’intérieur ce qu’elle entrevoit devant elle.

Louise Forestier
Éphémère
(JKP Musique/Select)

À écouter si vous aimez/
Catherine Lara, Véronique Sanson, Nicole Croisille