Xavier Caféïne : Entre chien et loup
Musique

Xavier Caféïne : Entre chien et loup

Des nouvelles de Xavier Caféïne, encore dans l’ouragan Gisèle, mais déjà la tête ailleurs, à la veille d’un retour au bercail et d’une virée dans les steppes.

Depuis Gisèle, sa visite à Guy A et la Saint-Jean avec Normand, la gueule du Montréalais originaire de l’Outaouais, Xavier Caféïne, fait indiscutablement partie du microcosme culturel québécois. À ce titre, il est l’une des têtes d’affiche de l’édition 2008 du Festival de montgolfières de Gatineau. Comment un petit punk, avec ce que cette appellation implique d’indiscipline et de révolte, peut-il être devenu une star du FM, un faiseur d’hymnes à marmonner derrière son volant entre deux Lynda Boulay?

Sans sacrifier le son brut auquel Xavier tient mordicus, il est allé chercher dans sa tête quelques thèmes universels et nous les a livrés sans moralisme. Avec Glen Robinson derrière la console (Voïvod, Foo Fighters, Ringo Starr) et entouré de grosses pointures du rock PQ sur scène – Vincent Peake à la basse, Alex Crowe et Serge Pelletier aux guitares, ainsi que Michel Langevin à la batterie -, on ne peut reprocher à Caféïne d’avoir cherché à conquérir les rock-matantes. Désormais trop pop pour les bums, mais encore trop imprévisible pour les galas, il lui faudra se terrer dans les inconfortables niches autrefois squattées par des matous appelés Francoeur, Plume ou Gerry.

Si la nécessité est mère de l’invention, l’inconfort peut être celle de la création: "Je me donne un mois off à Aylmer, en septembre, pour grossir le matériel (du prochain disque). Il y a une question d’isolement, je n’ai pas de moyen de transport, faque j’suis pogné là. Ça m’oblige à m’asseoir et à le faire", explique Xavier au sujet de sa méthode de création. Méthode, parce que le processus a été le même pour l’acclamée Gisèle. Pourquoi changer une recette gagnante?

L’EUROPE, LES CHINOIS ET MOI, ET MOI, ET MOI

Parler d’une recette gagnante le ferait certainement grincer des dents, et à preuve, il songe déjà à aller se faire voir ailleurs: "Je me sens d’autant plus prêt à aller en Europe que je suis déjà confortable au Québec. Ce n’est pas facile de dire à des musiciens: venez jouer avec moi, mais ça va vous coûter 20 piastres! C’est comme ça dans la plupart des cas. Je pense que quand tu as un territoire qui fonctionne, c’est le temps d’aller voir ailleurs. Mais c’est aussi juste l’aspect "voyage" qui m’interpelle. Juste d’aller ailleurs, ça m’excite." Lauréat d’un prix (concours "International Young Stars" de Sonicbids) qui lui a permis de lancer son album et de faire une mini-tournée en Allemagne l’automne dernier, le rockeur et sa bande ont eu bien du plaisir à tâter le terrain. "C’est eux autres qui ont trippé sur Voïvod, Iggy Pop, même les Beatles; on sent vraiment quelque chose là-bas", remarque-t-il sans la surexcitation qui caractérise ceux que le succès frappe trop tôt. Car si son approche peut paraître frondeuse, il ne sombre pas pour autant dans la facilité. Ses réflexions ont une certaine profondeur, on s’en rend compte en réécoutant du vieux Caféïne ou ses essais dans la langue de Jello Biafra (son band s’était alors rebaptisé Poxy).

Il fut une époque où il était le seul à porter le mascara (les emos l’en remercient), le seul aussi à afficher une fascination évidente pour l’Orient: "Les jeunes Chinois que je fréquentais à Montréal le sentaient depuis un bout que la Chine allait devenir une grande puissance. Je n’ai pas fait une étude sociologique en Chine pantoute, mais je constate. J’suis un artiste, moi, pas un académique. J’essaie de ne pas juger avec mes références occidentales le reste du monde. Je trouve que c’est notre plus gros défaut, le peuple occidental. Le fait que ça dérange du monde une femme avec un voile, pour moi, c’est du racisme directement. C’est l’autre qui fait peur, l’autre qu’on ne comprend pas."

Il renchérit: "Tout ce qu’on leur reproche, on le pratique. C’est nous, la Chine! On vit dans la ouate; on consomme comme des débiles; on pollue leur eau; on chie dans leur lac. On a de l’espace en malade, mais on ne prend aucune initiative écologique. On se permet de leur parler de droits humains, de ci, de ça, on parle des Tibétains, pis on ne parle pas de nos autochtones! On a beaucoup de trucs à régler ici avant d’aller regarder ce que les Chinois font." Caféïne a la mèche courte, il suffit d’une étincelle pour qu’il parte dans tous les sens. C’est bien dommage pour ceux qui le font suer, mais génial pour ceux qu’il soutient.

Récemment approché par une bande de motivés lors d’un concert dans les collines, il a décidé de devenir porte-parole de leur initiative: le Festival de l’Outaouais Émergent. "Je veux faire quelque chose dans la région de l’Outaouais qui, d’après moi, est la mal-aimée du Québec. Juste parce qu’on est proche d’Ottawa, j’imagine… Faque d’aider des jeunes qui veulent créer une scène locale, c’est juste parfait. C’est une initiative qui demande du guts, puis c’est bon de l’action, j’épaule ça à 100 %." Le Festival propose de créer une rencontre annuelle des talents locaux afin de leur offrir une vitrine et un lieu de rencontre. La première édition se tiendra du 11 au 14 septembre dans le Vieux-Hull. www.festfoe.com

Le 30 septembre
Au parc La Baie (Festival de montgolfières de Gatineau)
Voir calendrier Rock/Pop

À écouter si vous aimez / Les Breastfeeders, Guerilla Poubelle, Plastic Bertrand