Thaddeus Strassberger : Go West
À l’invitation de l’Opéra de Montréal, le jeune metteur en scène états-unien Thaddeus Strassberger dirige La fanciulla del West de Puccini.
Lors d’un entretien, l’année dernière, le directeur artistique de l’Opéra de Montréal, Michel Beaulac, nous disait qu’en raison des compressions budgétaires effectuées pour redresser la situation financière de la compagnie, chaque personne demeurée dans l’équipe avait dû doubler, voire tripler sa tâche. Cette contrainte a prouvé son efficacité puisque le redressement prévu en trois ans a été atteint en deux, comme on nous l’annonçait au début du mois (voir article en section société).
L’efficacité propre au cumul de responsabilités n’est peut-être pas étrangère à l’embauche du jeune metteur en scène états-unien Thaddeus Strassberger, qui est aussi le scénographe de la nouvelle production qui ouvre la saison de l’Opéra de Montréal, La fanciulla del West (1910), de Puccini. "J’ai vraiment voulu être scénographe depuis l’enfance, explique Strassberger, et je l’ai fait pour plusieurs petites compagnies. Mais, souvent, les personnages n’habitaient pas le décor comme je l’avais imaginé, alors j’ai commencé à penser que je devrais peut-être aussi les diriger. Quand je pense au décor, je ne pense pas qu’à une forme architecturale, mais aussi à quelque chose qui raconte l’histoire. Pour moi, ce n’est pas séparé." Comme on peut le constater grâce à ses maquettes – visibles au www.tstrassberger.com -, le metteur en scène a la chance de collaborer avec un excellent scénographe!
L’histoire de La fille du Far West est celle de quelques paumés venus en un lieu perdu avec l’espoir de profiter de la ruée vers l’or. Puccini (ou ses librettistes Guelfo Civinini et Carlo Zangarini, qui se sont basés sur The Girl of the Golden West de l’auteur états-unien David Belasco) situe l’action dans l’une des nombreuses villes champignon du Far West, et principalement dans son saloon, où officie la belle Minnie (la soprano Susan Patterson). Strassberger a vu la chose autrement: "Chaque époque offre ses opportunités d’enrichissement rapide. Aujourd’hui, on pourrait penser, par exemple, aux premières personnes qui ont investi dans Google. Mais 95 % des gens arrivent trop tard. Dans le cas de la ruée vers l’or, ce sont ceux qui vendaient les billets de train pour s’y rendre qui faisaient de l’argent!"
Ainsi, les personnages de La fanciulla de Strassberger n’arriveront jamais à destination, parce que leur train va dérailler au milieu de nulle part. C’est là, loin de tout, que s’organisera dorénavant leur vie. Plutôt qu’un saloon, le décor est celui d’un immense désastre ferroviaire! "Le décor habituel de La fanciulla est en bois, comme l’intérieur d’un saloon, explique Strassberger. Ici, il y a beaucoup de métal sur scène, mais un métal qui signifie ironiquement l’échec, parce que ce n’est pas de l’or…".
Dans ce décor, les citoyens de cette drôle de ville sont des mineurs (incarnés par le Choeur de l’Opéra de Montréal). Le shérif Jack Rance (le baryton Luis Ledesma) est le méchant, et le bandit Ramirez (le ténor Julian Gavin) est le bon, celui avec qui la belle se sauve à la fin! Un traitement original, pour un opéra qui l’est aussi à plusieurs égards. L’Orchestre Métropolitain sera sous la direction de la Canadienne Keri-Lynn Wilson.
Pour la programmation complète de l’Opéra de Montréal, visitez www.voir.ca/operademontreal