Thomas Fersen : Trois petits tours au Québec
Thomas Fersen poursuit son histoire d’amour avec le Québec en confiant la réalisation de son nouvel album Trois petits tours à Fred Fortin. Explications.
On le sait, Thomas Fersen aime beaucoup le Québec et particulièrement Montréal où il vient souvent et où il a même ses petites habitudes. Ce n’est donc pas tout à fait étonnant qu’il ait confié la réalisation de son septième album à un Québécois. Mais la vraie surprise vient du fait qu’il a choisi Fred Fortin pour prendre en main le contrôle des opérations! "Je connaissais les disques de Fred Fortin depuis environ huit ans. Ça fait longtemps que je pense à lui pour une collaboration; même à l’époque de Pièce montée des grands jours, donc en 2003. Mais voilà, je ne savais pas trop si ça l’intéressait à l’époque. Donc, le temps passe et là, rendu à mon septième album, je me suis dit que c’était le moment ou jamais", rigole le sympathique musicien au bout du fil, attablé dans un café de Paris.
Comme les deux colorés personnages ne s’étaient jamais croisés, Thomas Fersen a profité d’un passage de Fred Fortin dans la Ville lumière avec la gang de Galaxie pour aller à sa rencontre. "J’ai pensé à mon affaire pendant quelques mois, puis je lui ai proposé de faire la réalisation et les arrangements de mon album. Il semblait très enthousiasmé, séduit et même je crois touché par ce que je lui proposais. Ensuite, ça s’est fait très rapidement. Je lui ai donné carte blanche autant pour les arrangements et la réalisation que pour le choix des musiciens (outre son fidèle joueur de ukulélé Pierre Sangra, tous sont québécois: Justin Allard, Joe Grass, Olivier Langevin, François Lafontaine, Daniel Thouin, Jocelyn Tellier, etc.). Je lui ai envoyé des démos avec comme seul accompagnement un ukulélé, donc autant dire presque nus. Il les a habillés comme il l’a voulu."
Enregistré majoritairement à Montréal et un peu à Paris, Trois petits tours demeure indéniablement un disque signé Fersen. On reconnaît son imaginaire et ses histoires farfelues, mais c’est peut-être bien sur le plan de la musique que ça change un peu car, sans être diamétralement opposés, les univers des deux musiciens ne se ressemblent pas tout à fait. "Je sentais qu’on allait s’entendre car Fred fait des peintures de personnages, il fait souvent référence à sa famille, comme moi. Et comme moi, il vient d’un milieu rural. Voilà sans doute pourquoi j’ai ressenti spontanément une parenté avec lui. L’enregistrement s’est très bien passé, poursuit Thomas. En fait, je crois que Fred a longtemps cru que je me moquais de lui car je ne trouvais rien à redire. J’avais confiance et j’ai été comblé."
Et le titre Trois petits tours? Ça signifie quoi? Trois petits tours et puis Thomas Fersen s’en va? "Hé ben peut-être, je sais pas! Mais c’est surtout pour mettre le doigt sur la précarité et le côté éphémère de ce métier. Comme un vagabond, tu arrives dans une ville et tu la quittes le lendemain. Ça décrit aussi ce côté illusionniste dans lequel on évoque un monde et dès que les lumières se rallument, ce monde s’efface. Donc, c’est tout ça, mais c’est aussi qu’à chaque fois, il faut se renouveler et que c’est de moins en moins évident. Déjà, les 33 petits tours ont quasiment disparu…"
Ce monde de vagabond dont parle Thomas, c’est un peu le thème de Trois petits tours. Il fait d’ailleurs très souvent allusion à une certaine valise du nom de Germaine. Même que le disque est presque complètement consacré à cette valise! "La première chanson que j’ai écrite pour ce disque, c’est pour Germaine ma valise (ce n’est pas celle qu’on voit sur la superbe pochette illustrée par le photographe/vidéaste Jean-Baptiste Mondino, qui appartenait à sa grand-tante). Elle le mérite bien car elle m’a soutenu dans les moments difficiles. Elle a aussi été témoin de tous ces lieux où je suis allé. Elle était toujours à mes côtés et m’a même parfois servi d’oreiller. Lorsque j’ai écrit Germaine, il m’est venu des idées qui ne tenaient pas dans cette chanson, donc j’en ai écrit une autre, puis une autre, etc., etc. C’est comme ça que je travaille. Je ne prémédite pas vraiment mes crimes, donc les chansons s’accumulent et c’est comme ça que je me rends compte de l’identité que va avoir le disque. J’aime les symboles et ça me permet aussi de renouveler ma façon de toujours raconter la même histoire, finalement."
Thomas Fersen
Trois petits tours
(tôt Ou tard/WEA)
À écouter si vous aimez /
Boby Lapointe, Dominique A, Georges Brassens
CES QUÉBÉCOIS PRISÉS PAR LES FRANÇAIS
Si la récente collaboration entre Thomas Fersen et Fred Fortin a pris les Québécois par surprise, notre bleuet national n’est pas le premier à jouer les réalisateurs sur un album des cousins. Au cours de la décennie 80, Michel Pagliaro s’était rendu dans l’Hexagone pour réaliser les albums Aï et Higelin à Bercy de Jacques Higelin. À la même époque, Denis Wolff, aujourd’hui directeur artistique réputé (Jean Leloup, Loco Locass), était tombé sous le charme de la formation punk Warum Joe pour qui il réalisa Dans le blizzard. Plus récemment, Thierry Romanens faisait appel à François Lalonde (Lhasa de Sela, DobaCaracol) pour enregistrer Le Doigt, tandis qu’Arthur H s’est adjoint Jean Massicotte (Pierre Lapointe, Patrick Watson) pour produire ses deux plus récents albums, Adieu tristesse et L’Homme du monde. L’an dernier, Xavier Caféïne visitait la Belgique pour réaliser le nouveau Plastic Bertrand, un disque dont on attend toujours la parution.