Sixtrum : Exotisme garanti!
L’ensemble à percussion Sixtrum réinvente la musique du monde et présente Exotica, de l’iconoclaste Mauricio Kagel.
Après avoir poursuivi de front des études en percussion au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et en musicologie à la Sorbonne, c’est à Montréal que Fabrice Marandola a choisi de s’établir. "Ça se passait très bien en France, mais c’était un peu éclaté géographiquement; j’habitais Lyon et j’enseignais à Grenoble et à Paris… Et puis l’occasion de découvrir Montréal s’est présentée, alors, voilà!" Il enseigne aujourd’hui les percussions à l’École de musique Schulich de McGill, où il codirige l’ensemble de percussion et collabore au Centre interdisciplinaire de recherche en musique, médias et technologie (CIRMMT). "J’apprécie beaucoup le mode de fonctionnement universitaire, qui fait que l’interprétation, la performance et la recherche partagent le même lieu; on peut donc tisser plus facilement des liens qu’en France, où chaque branche est séparée." L’homme n’aime visiblement pas perdre son temps, et depuis son arrivée à Montréal, en 2006, on l’a vu chauffer les tambours avec le Nouvel Ensemble Moderne ou l’ensemble Kore; il a aussi fondé, en 2007, l’ensemble Sixtrum, qui est en résidence à l’Université de Montréal.
Y a-t-il de l’avenir pour un ensemble à percussion? "Le répertoire est plus grand qu’on le croit, explique Marandola, et puis ces pièces ne sont pas jouées très souvent… Pléïades, de Xenakis, n’avait jamais été joué au Canada, comme Exotica. De plus, nous voulons le développer ce répertoire. Ce type de formation attire les compositeurs parce que c’est rare, mais aussi parce que nous avons une démarche rigoureuse. Nous avons mis une centaine d’heures de répétition sur une oeuvre comme Pléïades, mais c’est payant puisque nous la jouerons bientôt 10 fois en France."
Après les univers de Xenakis et de John Cage, et une collaboration avec le quatuor de saxophones Quasar, les percussionnistes de Sixtrum pénètrent dans les mondes inventés du très imaginatif Mauricio Kagel, sans doute le compositeur au catalogue le plus hétéroclite. Sa pièce Exotica n’est pas spécifiquement écrite pour des percussionnistes, mais pour six interprètes jouant d’un très grand nombre d’instruments de toutes les parties du monde. "Mais nous, les percussionnistes, nous sommes constamment sollicités pour essayer de nouveaux instruments, de nouvelles façons de jouer, alors, c’est une pièce pour nous!" Le compositeur demande aux interprètes de n’utiliser que des instruments extra-européens. "Il y a beaucoup de percussions, explique Marandola, mais aussi des flûtes, des orgues à bouche, des instruments à cordes comme le koto, etc." L’ensemble a heureusement pu bénéficier des trésors du Laboratoire de recherche sur les musiques du monde de l’UdM pour constituer son instrumentarium. Kagel a dédié la pièce "au sixième sens", et il est clair que les interprètes doivent y faire appel dans leur démarche: "Tous les musiciens doivent aussi chanter, mais le texte n’est pas précisé, et il y a un grand travail à faire pour le choix des instruments, en fonction des indications de jeu du compositeur." Et comme Kagel ne dédaigne pas l’humour, on peut s’attendre à tout!