Jason Collett : L’étoile solitaire
Jason Collett privilégie les tournées pour mieux observer et écrire. Une réalité qu’il a su apprivoiser tout comme la scène.
On peut se l’imaginer solitaire et en marge de cet exemple de collectivité musicale qu’est la grande famille du label Arts & Crafts et du phénomène Broken Social Scene. Il gravite autour de Feist, de Kevin Drew et d’Emily Haines sans faire d’éclat et pourtant, pas un de ces artistes ne peut s’empêcher d’en parler avec une affection toute particulière. Un secret encore bien gardé qui finalement se dévoile pour une toute première fois à Québec après quelques visites impromptues à Montréal.
Le ton posé de Jason Collett souligne son état d’esprit tranquille et, lorsqu’on questionne l’artiste sur la reconnaissance que lui donnent ses confrères, son altruisme s’exprime sans fausse modestie. "J’imagine qu’ils ont un bon mot pour moi parce que nous sommes de bons amis", indique-t-il simplement tout en s’amusant de cet état de fait. Point de mystère pour lui en ce qui concerne cette filiation directe qu’il cultive depuis plusieurs années. Pour lui, ça ne s’explique pas vraiment, et c’est parfait ainsi.
Lorsqu’en février dernier paraissait Here’s to Being Here, son quatrième disque depuis Motor Motel Love Songs, le chanteur confirmait une nouvelle fois son talent d’auteur au caractère minimaliste. Le mot d’ordre de cette nouvelle production semble avoir été l’honnêteté sans artifice. "C’était toujours une atmosphère très spontanée et sans urgence", se souvient-il de cette période passée en studio. "C’est difficile à décrire parce que c’était plus une succession de rendez-vous amicaux qui se dirigeaient inévitablement vers la musique, avec Howie Beck à mes côtés. Le son live était prédominant et nous avons décidé de le préserver le plus possible."
Son héritage s’inscrit en droite ligne de Bob Dylan et de ses émules, qu’il a su assimiler sans complexes. Sa voix en est caractéristique, et à l’écoute de Nothing to Lose, l’impact en est saisissant. Une tradition folk qu’il amène ailleurs aussi avec Charlyn Angel of Kensington par exemple. "Pour cette dernière, c’est de la faute à Apostle of Hustle, avoue-t-il. J’avais en tête une rythmique bien particulière qu’ils savent très bien reproduire. Je me suis décidé à la jouer en groupe et finalement, quelque chose d’intéressant est apparu. Cette chanson, c’est une idée fixe que j’aurais pu mettre de côté pour passer à autre chose. Mais, au contraire, je l’ai exorcisée en l’enregistrant."
Le chanteur ne s’empêche pas non plus d’être attentif à certaines réalités alarmantes. C’est alors que Collett composait la chanson Waiting for the World, en 2005, que l’activiste James Loney, un de ses amis, fut pris en otage en Irak lors d’une mission humanitaire. "Depuis combien de temps maintenant vivons-nous avec ce conflit de merde? Ça fait plus de six ans que cette politique d’arriérés sévit. C’est incroyable… Les États-Unis, c’est la Rome antique, tu sais cette image de l’empereur divin qui détient la vérité et bousille tout autour de lui? C’est complètement stupide et ça va les conduire à leur perte. Ce qui est encore plus choquant, c’est de constater que ça nous touche directement, ici, dans notre pays, et parfois même dans notre entourage immédiat. Lorsque j’ai su pour James, c’est ce que j’ai compris et j’ai trouvé ça troublant. On peut dire que c’est, en partie, l’une des réflexions qui s’expriment dans cette chanson."
À écouter si vous aimez /
Bob Dylan, Broken Social Scene, Wilco