Jean-Jacques Perrey : Pouet pouet coin coin
Musique

Jean-Jacques Perrey : Pouet pouet coin coin

Jean-Jacques Perrey crée une musique toujours aussi ludique et allumée à 79 ans bien sonnés. Rencontre avec une légende.

Rien ne prédestinait Jean-Jacques Perrey à devenir un des pionniers les plus respectés et adulés de la musique électronique. En 1951, il a quitté la faculté de médecine de Paris après avoir entendu une émission de radio dans laquelle Georges Jenny parlait de son invention, l’Ondioline, une sorte d’orgue électronique à base de tubes à vide. "Quand j’ai entendu les sons qui pouvaient sortir de cet instrument, j’ai tout de suite été séduit et j’ai su que c’était ça que je voulais faire. J’ai donc abandonné mes études et j’ai réussi à me faire embaucher par Georges Jenny qui cherchait quelqu’un pour promouvoir l’Ondioline en Europe", se souvient le vénérable musicien, lui qui n’avait que timidement tâté de l’accordéon avant de se passionner pour ce projet complètement fou et audacieux pour l’époque. "C’est le premier synthétiseur français. Il a été inventé dans les années 40, dans la morgue d’un sanatorium, où monsieur Jenny, qui porte bien son nom, travaillait pour ne pas être importuné. Là, il ne dérangeait personne et les gens qui y étaient ne faisaient pas de bruit non plus", rigole Jean-Jacques Perrey.

Son travail avec l’Ondioline, "qui pouvait imiter tous les instruments possibles et imaginables", l’a mené à côtoyer les plus grands artistes français de l’époque, dont Charles Trenet et surtout Édith Piaf qui, sans le savoir, est responsable du succès de Jean-Jacques Perrey aux États-Unis. "C’est grâce à elle que je me suis retrouvé à travailler aux États-Unis en 1960 avec le producteur new-yorkais Caroll Bratman." Ce qui ne devait être qu’un court passage s’est transformé en un séjour de plusieurs années.

C’est donc là que le fantasque musicien s’est réellement fait un nom, en partie grâce à ses collaborations avec Angelo Badalamenti mais surtout avec Gershon Kingsley, un autre pionnier de la musique électronique (qui a connu plus tard un énorme succès avec la pièce Popcorn); le fruit de leur travail se retrouve sur deux disques phares, The In Sound From Way Out (1966) et Kaleidoscopic Vibrations (1967). Une série d’albums a suivi jusqu’au milieu des années 70, son plus populaire étant Baroque Hoedown dont la pièce-titre est encore utilisée par Disney pour accompagner la fameuse Main Street Electrical Parade de ses parcs d’attractions. Puis les sorties de disques furent beaucoup plus sporadiques jusqu’à ce que plusieurs musiciens de la génération techno le sollicitent et le ramènent à l’avant-scène, vers le milieu des années 90.

Depuis cette résurgence, Jean-Jacques Perrey a encore une fois collaboré avec de nombreux artistes, dont Le Tone, Luke Vibert récemment (le disque Moog Acid) et Dana Countryman, un musicien de Seattle avec qui il a enregistré deux albums, The Happy Electropop Music Machine (2006) et le tout nouveau Destination Space, "un disque d’espion de l’espace". C’est d’ailleurs en compagnie de ce dernier qu’il se présentera sur scène, quelque 40 ans après son dernier passage à Montréal, au night-club du Queen Elizabeth. Entouré de son célèbre Ondioline, d’un Moog et d’un orgue Roland, le musicien que plusieurs considèrent – avec raison – comme un père de la musique électronique interprétera ses dernières compositions ainsi que plusieurs de ses classiques, dont le fameux Baroque Hoedown et E.V.A., pièce qui a été abondamment échantillonnée et utilisée dans des commerciaux de toutes sortes. "Je ne suis pas un père de la musique électronique, je suis un grand-père!" blague Jean-Jacques Perrey qui, malgré son âge, crée toujours des musiques naïves, ludiques et ponctuées de bruits bizarres, dignes d’une bande dessinée. "Je ne prendrai jamais ma retraite. Si je n’avais pas la musique, je ne pourrais pas le supporter. Passer mes journées enfermé dans un appartement, je deviendrais fou! Non, un artiste ne meurt jamais et j’irai jusqu’au bout!"

À écouter si vous aimez /
Gershon Kingsley, Pierre Henry, Roudoudou