Alexandre Désilets : À contre-jour
Musique

Alexandre Désilets : À contre-jour

Alexandre Désilets fait son entrée sur scène avec un spectacle échafaudé sur sa personnalité: lucide et sujet à l’évasion.

Sa voix est posée et, comme sa musique, elle suggère la confidence. Alexandre Désilets impose son propre rythme et recueille chaque question avec soin. Rien de prétentieux sous ses airs de jeune homme en contrôle de lui-même. Plutôt une forme de modestie qui cède la place à un esprit tranquille. Sous ses allures d’artiste rêveur se cache une personnalité ambitieuse et consciente de ses moyens, qui tente de saisir une part de ce qui l’entoure.

Une part, Alexandre Désilets en a eu une belle dans la dernière programmation des FrancoFolies de Montréal, où il a pu partager la scène avec Karkwa et Malajube lors du spectacle de clôture, sur la grande scène extérieure. "C’était excitant, imposant, et il y avait beaucoup de monde, se rappelle-t-il. Des gens qui me découvraient sans doute, qui me voyaient pour la première fois. Sur cette grande scène, c’était un peu difficile de connecter avec le public. Je n’avais pas mes éclairages ou le décor d’une salle intime. Dans ce temps-là, tu ne sors pas trop du cadre qui t’est imposé et tu n’en fais pas trop. Tu profites surtout de cette occasion pour y être, tout simplement."

Néanmoins, le chanteur lauréat du Festival international de la chanson de Granby en 2006 considère encore cette expérience comme une excellente carte de visite. Une invitation qui n’a surpris personne après la sortie de son premier disque Escalader l’ivresse, qui témoigne déjà d’un talent particulier et que l’artiste a pris le temps et les moyens qu’il faut pour mettre en chantier.

On sent que cette entreprise, dans laquelle il a été secondé par Jean Massicotte (Jean Leloup, Arthur H) à la réalisation, s’est avérée autant l’achèvement d’un travail inspiré qu’une réflexion entamée avec sérieux. "Avant, je m’éparpillais et j’allais dans tous les sens, avoue l’artiste de 33 ans. Disons qu’avec Jean, j’ai appris à converger vers un chemin plus clair. Lui et mon directeur artistique, Kevin Wolff, me demandaient ce que c’était, mon album, et ce que je voulais. J’étais incapable de répondre. C’est alors qu’ils m’ont suggéré d’aller chez moi et de préparer un texte ou un document qui pourrait résumer certains points. Cette proposition a suffi pour que je parte sur une dérape pendant un ou deux mois, pendant lesquels j’ai monté un scrapbook. Quand ils ont vu ça… C’était plus volumineux qu’ils pensaient. En fait, ils voulaient seulement un paragraphe. Je leur ai fait un montage qui ressemblait à de la poésie urbaine mélangée à quelque chose d’organique. C’est vraiment à partir de ce document-là qu’on a pensé l’album. Il y a tout là-dedans."

Ce recueil de photos monté avec soin témoigne de la relation que l’auteur cultive avec son travail. Sortir des mots est pour lui quelque chose d’inévitable et d’instinctif. Pas question de se satisfaire d’une logique narrative basée sur une histoire linéaire. Ça vaut aussi pour la musique qui habille sa prose avec une logique impressionniste. "Tu fais un choix, explique-t-il. Mon écriture, elle est contemporaine et elle possède une touche de modernisme. Je n’écris pas pour prouver quoi que ce soit. J’essaie seulement de trouver une façon d’écrire un texte que je ne serai pas gêné de chanter pendant cinq ans. Je ne pourrais pas chanter le texte de quelqu’un d’autre, il y aura toujours quelque chose qui va m’intimider. Le son des mots m’importe beaucoup. Quand j’écris, je prends quelque chose de beau, je lui crisse une couple de claques et je l’enregistre assez hard pour que je me sente à l’aise et que je puisse l’assumer."

Après de brèves incursions en musique électronique avec Freeworm et en duo avec Funami, Alexandre Désilets regarde ces expériences comme une sorte de laboratoire. Maintenant au volant de son projet solo, il a su appliquer une vision expressive qui fait une juste synthèse entre l’expérimentation et une esthétique précise. "Pour Escalader l’ivresse, j’avais envie de travailler sur l’interprétation. Sur tout ce qui est vrai, tout ce qui touche, ce qui me fait pleurer, vibrer et partir. Ça, c’est ce que j’appelle le senti. C’est l’approche du narrateur, de l’observateur. C’est celui qui est assis sur un édifice et qui observe la société qui l’entoure. Sans juger quoi que ce soit ou qui que ce soit. C’est un tableau. Une image vue d’en haut. C’est pour ça que j’ai choisi un papillon pour la pochette. Et pour d’autres raisons aussi… C’est une petite créature fragile et éphémère. Et c’est également la renaissance."

À écouter si vous aimez /
Jérôme Minière, Radiohead et Daniel Bélanger