Burt Bacharach : Champagne!
Burt Bacharach, c’est Raindrops Keep Falling on My Head, Baby It’s You, The Look of Love, What’s New, Pussycat et tellement plus. Beaucoup connaissent son nom; tous reconnaissent au moins une de ses compositions. Rencontre avec une légende vivante de la chanson.
Depuis 1965, The Beatles, Elton John, Tom Jones, The Carpenters, Johnny Mathis, Linda Ronstadt, Seal, The Stranglers, Stan Getz, McCoy Tyner, Isaac Hayes, Barbra Streisand, Elvis Costello, Dusty Springfield, John Zorn, Elvis Presley, Oasis et des dizaines d’autres ont interprété ses compositions suaves, complexes, intemporelles, quasi thérapeutiques.
Burt Bacharach, jeune octogénaire, peut aujourd’hui se targuer d’être devenu le compositeur de pop américaine le plus important du siècle dernier, surclassant Gershwin, Leiber & Stoller ou Mancini.
Il a répondu, en chuchotant, à quelques questions avec élégance et volupté. Comme le disait Mike Myers dans Austin Powers, un verre de Dom Pérignon à la main et des étoiles dans les yeux: "Ladies and gentlemen, Mister Burt Bacharach!"
Voir: La légende rapporte que vous avez fait une partie de vos études à l’Université McGill?
Burt Bacharach: "Oui, tout à fait, sur une base hebdomadaire rigoureuse. C’était une école de musique à l’esprit très classique et fort sérieuse."
Et on dit que vous n’avez jamais présenté un concert à Montréal depuis?
"Je crois que j’y ai dirigé l’orchestre de Marlène Dietrich après la guerre, vers 1958!"
Marlène fut votre dernier "emploi", vous vous êtes mis à composer sérieusement ensuite. Pourquoi?
"Oh, Marlène, c’était un boulot agréable, qui m’a tout de même permis de voir le monde. J’avais déjà commencé à composer dans mes temps libres grâce à cette sécurité financière. D’aussi loin que je me souvienne, c’est ce que j’ai toujours voulu faire."
Jimmy Webb a construit Art Garfunkel. Lieber & Stoller ont construit Elvis. Marguerite Monnot a construit Édith Piaf. Vous avez construit des dizaines de carrières d’interprètes. Un compositeur peut-il encore, aujourd’hui, "inventer" un interprète?
"Très difficilement. Il donne une, deux chansons. Michael Bublé, Alicia Keys ont encore besoin de chansons, mais ce sont de rares exceptions. Les artistes ont plus de chances de succès s’ils écrivent leur propre matériel, surtout s’ils veulent signer un contrat… Mais de toute manière, l’industrie du disque se meurt. Ce sont maintenant les spectacles et la télédiffusion qui permettent à un artiste de gagner sa vie. Aucun disc-jockey de Memphis ou de Montréal tombant en amour avec une chanson ne changera plus quoi que ce soit à une carrière."
Ces centaines de chansons formidables interprétées par des artistes merveilleux: John Lennon, Tom Jones, Dusty Springfield… vous avez choisi désormais de les chanter en concert vous-même en les présentant longuement afin de raconter leur genèse. Es-ce un désir de passer à l’histoire?
"Hum… Peut-être… Le travail du compositeur est une chose intime, solitaire, anonyme. Nous sommes des hommes de l’ombre. Moi, ma notoriété me permet de rencontrer un public qui connaît mes chansons. De "connecter" avec lui en utilisant un orchestre symphonique, ou un petit groupe. C’est un plaisir dont je ne peux plus me passer."
Vous avez franchi la barrière des races dans les années 60 en donnant des chansons indifféremment à des Noirs ou des Blancs: Dionne Warwick, Johnny Mathis, The Shirelles sont devenus d’immenses vedettes. À l’époque, c’était rare…
"Tout ce qui m’intéressait, c’était de trouver la voix qui avait le plus de soul. Que l’endroit où tombait la chanson soit le bon. Je n’ai pas hésité à donner Raindrops Keep Falling on My Head à un Noir. Michael McDonald est actuellement certainement le chanteur qui a le plus d’âme. Et alors? Il est Blanc! Blanc, Noir, peu importe. Mais il est vrai que beaucoup de mes interprètes étaient Noirs…"
Parmi eux, Isaac Hayes est récemment décédé. Qu’en retenez-vous?
"Grande perte! J’ai adoré ses explorations dans The Look of Love et Walk on By. En 75, nous avons fait du travail formidable. On a perdu un chanteur immense. Pareil pour Barry White."
Vous seriez, à 80 ans, un joyeux retraité multimillionnaire; comment fait-on pour continuer?
"La chance, les gènes. J’ai deux jeunes enfants de 13 et 16 ans. Prendre soin d’eux est une motivation importante."
Dans votre biographie, Wikipédia rapporte que vous soutenez la candidature de John McCain.
"Quoi? Vous rigolez? C’est absurde! C’est le genre de saloperies que charrient les républicains. Grace à eux, 20 % du pays croit qu’Obama est musulman. C’est la stratégie des républicains de charrier ce genre de merdes totalement fausses. Quelle horreur! Je vais régler ça d’ici la fin de la journée! Si McCain gagne, je déménage au Canada!"
À écouter si vous aimez /
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