Notwist : Faire face au diable
Né d’une rébellion punk-rock, Notwist est passé maître dans la confection d’hymnes mélancoliques électro-organiques.
Dès sa naissance en 1989, la formation Notwist fait office d’adolescent teigneux sur la scène musicale germanique. Emporté par le punk-rock noisy des Dinosaur Jr et Sonic Youth, les jeunes musiciens se défoulent enterrés sous une tonne de distorsion, marquant leur affranchissement des valeurs traditionnelles de leur bled, Weilheim, situé légèrement au sud-ouest de Munich.
"C’était l’époque où nous découvrions les groupes alternatifs américains, un courant qui nous paraissait fort lointain, mais qui était en complet accord avec notre mentalité", explique au bout du fil le chanteur et guitariste Markus Acher. "Nous venons d’un coin très catholique et conservateur. Écouter cette énergie et cette dissonance nous donnait l’impression d’être libres."
Puis, comme si le rebelle de fond de classe avait décidé de se couper les cheveux et de soigner son acné, la formation calme ses ardeurs pour épouser un style plus posé à la fin des années 90. Coïncidant avec l’arrivée du claviériste Martin Gretchschmann (alias Console), la parution du quatrième disque, Shrink, positionne Notwist dans un registre folk à mi-chemin entre les sonorités organiques (guitare acoustique, batterie, basse) et électroniques (programmations, claviers).
Avant même que Radiohead ne sorte Kid A, Notwist avait déjà tout pigé de la confection d’hymne pop indé aux effluves électro expérimentaux. "Je crois que notre musique a évolué au même rythme que nos goûts musicaux. Nous avons délaissé le rock et opté pour d’autres styles aussi propulsés par une certaine forme de liberté, le free jazz par exemple. Tranquillement, nous trouvions le moyen d’incorporer ces nouvelles sonorités à nos pièces."
Point culminant de ces explorations, l’album Neon Golden paraît en 2002. Considéré comme un chef-d’oeuvre par la critique, le compact témoigne d’un équilibre parfait entre l’énergie rock, l’introspection hypnotique des boucles rythmiques et la mélancolie folk.
Six ans plus tard, laps de temps où le groupe s’est consacré à divers projets parallèles (Lali Puna, 13 & God et quelques trames sonores), Notwist lançait The Devil, You + Me au printemps dernier. Bien que le quatuor y ajoute quelques sobres orchestrations signées par le Andromeda Mega Express Orchestra, l’album ne s’éloigne guère de la facture de Neon Golden. Ainsi, les musiciens n’ont toujours pas rencontré ce diable qui les ramènerait du côté obscur de la distorsion et des cris.
"Ça non! Pas encore! Le titre fait plutôt référence au contexte dans lequel le disque est né. Certaines chansons sont inspirées d’événements très personnels survenus dans la vie des gens qui nous entourent (des maladies, des accidents). J’ai comparé ces drames au diable qui serait ainsi apparu dans nos vies. Quand tu te retrouves devant ce genre d’épreuves, c’est comme si tu pouvais coller un visage au démon. Faire face à des situations difficiles et incontrôlables, c’est faire face au diable."
En espérant que Notwist ne trimballe pas Satan dans ses valises jusqu’à Montréal.
À écouter si vous aimez /
Radiohead, Tarwater, Iron and Wine