Dears : Dommages collatéraux
Musique

Dears : Dommages collatéraux

Les Dears lancent Missiles, quatrième opus longue portée conçu par temps de crise. Analyse des opérations avec le commandant Murray Lightburn.

Les Dears sont morts, vivent les Dears! Secoué, l’an dernier, par une crise interne assez peu médiatisée, le groupe est venu bien près de sombrer corps et biens. Bilan: cinq membres d’équipage perdus en mer. L’équipée aurait fort bien pu se terminer là, mais c’était sans compter le capital de résilience de Murray Lightburn, qui n’avait pas chanté son dernier mot. La semaine dernière, à Pop Montréal, il dévoilait matériel neuf et effectif remanié. À la veille d’une tournée long courrier, le musicien retrace éloquemment la genèse chaotique de Missiles, plus récent chapitre d’une histoire dont la fin n’est pas encore écrite.

Voir: Selon l’info coulée sur Internet, Missiles devait devenir votre premier album solo…

Murray Lightburn: "L’idée de travailler en solitaire m’a effectivement traversé l’esprit. Quand les premières chansons qui ont donné naissance à Missiles se sont manifestées, elles ont été assez cavalièrement reçues par les (ex-)membres du groupe. Ça m’a désarçonné. À ce moment-là, je n’avais jamais encore écrit quelque chose qui n’ait été partagé avec ces musiciens. Soudain, je me suis pris à penser que cette communion était peut-être chose du passé. J’en suis venu à me poser pas mal de questions sur le bien-fondé de préserver l’essence du projet artistique qui avait engendré les Dears. À un certain moment, j’étais presque prêt à lâcher le morceau. Puis j’ai senti que je devais continuer. Je pensais aux gens qui apprécient notre démarche. Ça me semblait égoïste de les laisser tomber."

Qui a participé à l’enregistrement, outre Natalia Yanchak et vous?

"Les ex-Dears Patrick (Krieff, guitariste) et George (Donoso III, batteur) nous ont donné un bon coup de pouce. Roberto Arquilla, qui a aidé à mixer le disque, a aussi joué de la basse. Il gravite dans l’univers du groupe depuis le tout premier disque. Et il y a notre ami Rob Benvie, de Thrush Hermit, qui a été d’un grand secours. Pour son apport créatif comme pour son soutien moral, je lui suis éternellement redevable."

Le fonds rock progressif caractérisant chacun de vos disques donne aussi sa facture sonore à Missiles. Comment décririez-vous votre gabarit musical?

"Je me rappelle le soir où j’ai tenté d’expliquer à Natalia quelles étaient mes ambitions pour le groupe. C’était avant même la conception du premier disque. La musique que j’entendais dans ma tête était vraiment grandiose. Mon plan consistait à ouvrir la porte sur un imaginaire dramatique auquel les gens pourraient aisément accéder sans en assumer le fardeau. Ce serait à nous de faire ce sale travail [rires]!"

Votre conception de la musique est redevable à d’autres formes d’art. On pense tout de suite à la littérature, pour le souffle romanesque qui porte vos compositions…

"Chaque disque constitue une sorte de statement. Gang of Losers tombait peut-être plus dans la catégorie "roman de poche": il est moins lourd que les autres. Missiles s’inscrit dans la lignée de No Cities Left. Dans notre catalogue, je prédis qu’on lui fera la réputation d’oeuvre heavy par excellence. Cette idée me plaît bien, en fait [rires]! Avec le recul, je me rends compte que tous nos albums comportent une part tragique. Je crois qu’on apprend beaucoup des tragédies – au sens grec du terme. Cela dit, je suis un grand amateur de Graham Greene et je dirais que c’est de côté qu’on trouvera quelques clés pour lire nos albums. Au départ, on a affaire à une situation fuckée. Ensuite, on se démène avec ladite situation. Enfin, on arrive à une résolution, qui permet de tirer une leçon de toute cette aventure. J’imagine que je n’ai pas encore appris ma leçon, parce que je continue à écrire des chansons…"

The Dears
Missiles
(MapleMusic Recordings)
En magasin le 21 octobre

Si écouter si vous aimez /
Le rock dense et littéraire; les longues pièces atmosphériques; les Dears, quoi…