Plume Latraverse : L'almanach du printemps
Musique

Plume Latraverse : L’almanach du printemps

Plume, après la quinzaine de chansons satyriques et un brin cruelles de Hors-saisons, laisse entrer lumière et printemps dans son nouvel album.

L’affreux bonhomme de neige sur la pochette de Hors-saisons annonçait l`interminable hiver de 2008. Et puis, deux ans de sabbatique lui avait empli la tête de petites vengeances sur les travers et le ridicule social. Mais il avait gardé en réserve ses plus pures chansons pour ce Plumonymes. Un disque où la bête bourrue tourne en Jean-Jacques Rousseau, contemplatif baladeur de printemps: "Les Plumonymes sont probablement des chansons plus intemporelles à découvrir dans l’intimité. De petits sourires en coin et pas mal de chansons assez sobres. Peut-être était-il temps de faire des chansons picturales…", dit Plume Latraverse, planqué à Longueuil, dans les bureaux de son gérant.

Il a fricoté, sur ce ton contemplatif, quelques chansons toutes douces: D’août temps d’été, Bulles de printemps, L’ambiance, où son petit trio guitare-piano-basse, fort doué, fabrique des ponts musicaux remarquables qui sonnent comme le Cat Stevens des beaux jours: "Y’a un parachèvement plus évident, une certaine osmose…", dit-il prosaïquement. Il y en a aussi des vertes et des pas mûres: "Ben oui, le promeneur rencontre parfois des trous sur sa route", explique-t-il. Celles-là, marrantes, se jouent de la rime riche jusqu’au délire surréaliste: "Alice, toi qui a la peau lisse / comme la peau d’une saucisse / aux joues gonflées d’épices / Miam miam" (Alice)

Cette débilité profonde n’est même pas gratuite. Durant ses ballades, Latraverse évoque trois, quatre, cinq fois les jeux, sinon les souvenirs de l’enfance. S’il dit au sujet d’Alice "Il fallait ben que je fasse quelques enfantillages, c’est plus fort que moi. C’est rigolo et pas pire que Bobepine", il n’avouera pas avoir écrit sur le sujet quelques trucs remontant à la grande noirceur et à l’enfance avortée, assez touchants: "…Blanche boucane de presbytère / Vieille soutane réactionnaire / Je vous apercevrai toujours /… En sautant d’un courage à l’autre / Sur le chemin des écoliers". "Là, je voulais mettre en relief le monstre qu’on a chacun en nous. Que ça puisse refléter une espèce de mise au monde."

Pour l’anecdote, Latraverse a aussi réenregistré sur Plumonymes, Bordeaux Beach Blues, une chanson venue d’une autre époque, extrait du documentaire franchement nationaliste, La liberté en colère, réalisé par Jean-Daniel Lafond, devenu entre-temps prince consort de la gouverneure générale du Canada. Étonnant revirement? "Quand on a fait ça, on se connaissait tous: Vallières, Gagnon et notre vice-roi. Peut être a-t-il fait ce documentaire en se jetant à l’eau, mais il me semble qu’on nageait tous dans les mêmes idéologies. Oui, j’ai été assez surpris de ses choix ensuite."

Avant que quelqu’un, un jour, ne se livre à son hagiographie, peut-être est-il aussi simpliste que pertinent de voir, pour l’instant, dans Prière, une grande part de l’âme de Plume Latraverse. Dans cette chanson au ton totalement religieux où il confond allégrement la Sainte Vierge et la waitress, il réitère une dualité fondamentale: "Accepter ou expier tous les péchés du monde. Notre part de bien, notre part de mal", dit-il, "Marie, s’il te plait, donne-moi un autre Bacardi!"

Plume Latraverse
Plumonymes
(Dragon/Select)

À écouter si vous aimez /
Le Charlebois d’hier, Richard Desjardins, Lucien Francoeur