Constantinople / Barbara Furtuna : La musique de l’Autre
L’ensemble Constantinople invite le quatuor vocal Barbara Furtuna pour une rencontre entre la musique savante persane et les polyphonies corses. Tradition et métissage.
Nés à Téhéran, c’est en 1990 que Kiya et Ziya Tabassian arrivaient au Québec, et en 1998 qu’ils fondaient l’ensemble Constantinople, voué à faire mieux connaître les musiques méditerranéennes, mais avec une approche qui vise à les garder vivantes et qui n’exclut pas l’improvisation. Constantinople est certainement devenu l’un des ensembles montréalais de musique de tradition classique qui voyage le plus; le directeur artistique de l’ensemble, Kiya Tabassian, commente: "Durant l’été, on a donné plusieurs concerts au Canada, mais aussi en France et en Italie, avec notre projet Ay!! Amor… Et puis, avec Ziya, nous avons donné des concerts à Téhéran, ce qui était très touchant pour nous puisque nous n’avions jamais joué sur une scène professionnelle de Téhéran auparavant." Si les premiers concerts et enregistrements de Constantinople étaient strictement consacrés à des musiques d’origine persane (comme ses fondateurs), les rencontres effectuées au fil des voyages n’ont pas tardé à contaminer le répertoire de l’ensemble.
C’est ainsi qu’après avoir revisité la musique traditionnelle québécoise, celle de l’Espagne du 15e siècle ou du Mexique du 17e, ce sont les chants polyphoniques corses qui se mêleront au sétar de Kiya, au tombak et autres percussions de Ziya et à la viole de gambe de Pierre-Yves Martel lors du prochain concert de Constantinople: Canta di a Terra. "Il y a eu un mouvement de réappropriation de la tradition dans les années 1970 en Corse, explique Kiya Tabassian, et Barbara Furtuna est directement issu de ce mouvement. Ce sont des gens qui connaissent très bien leur culture traditionnelle, mais qui ont aussi une ouverture qui va au-delà de la tradition, à travers le renouvellement des thèmes et jusqu’à la création." Une démarche, somme toute, fort semblable à celle de Constantinople.
Malgré tout, la rencontre entre la musique persane et les chants polyphoniques corses reste quelque chose de surprenant. "Il y a longtemps que j’écoute et que j’aime les polyphonies, précise le directeur artistique de Constantinople, qu’elles soient corses, sardes ou géorgiennes. L’idée que l’on puisse créer de telles polyphonies dans le cadre d’une tradition orale m’a toujours fasciné. De plus, je trouve que cette musique est beaucoup plus proche de certains chants de la Grèce ou de la Turquie que de la musique française. Au début, nous pensions à les inviter pour qu’ils donnent leur programme, mais après les avoir rencontrés, il est rapidement devenu clair que l’on pourrait plutôt travailler ensemble et pousser le dialogue."
Kiya Tabassian s’est immergé depuis quelques semaines dans le chant polyphonique grâce aux importantes archives prêtées par l’un des membres de Barbara Furtuna, Jean Philippe Guissani, et il a préparé avec ses collègues de Constantinople des musiques avec lesquelles les deux ensembles pourront répéter quelques jours avant le concert, ce qui laisse place à une certaine spontanéité. "Il sortira de ça, pour chacun des ensembles, de nouvelles pistes à explorer, conclut Kiya Tabassian; c’est tout un bagage que nous partageons!"