Rupa : Une femme libre
Musique

Rupa : Une femme libre

Rupa la belle gitane est médecin en milieu hospitalier et professeure à l’université en Californie. Mais c’est avec sa guitare et ses chansons folles en français qu’elle vient pacifier nos territoires. Soins intensifs?

La fille en a vu d’autres, mais elle reste bouche bée à l’autre bout du fil lorsque je lui demande: "Rupa, es-tu heureuse?" Un instant interloquée, elle se reprend et réplique: "Bon sang, oui, je le suis! Je relève plein de défis, je suis infatigable, je touche à la beauté la plus profonde et je suis en santé."

Rupa n’a pas d’enfants, mais elle insiste avec humour qu’elle est la maman des April Fishes (les poissons d’avril), cette joyeuse troupe hétéroclite et totalement multiethnique qui s’amuse beaucoup sur scène. On a pu le constater pendant leur première prestation en plein air au Festival international de jazz cet été; plusieurs milliers de Montréalais sont tombés sous le charme. La jeune femme dans la trentaine n’avait sûrement pas calculé que leur premier album Extraordinary Rendition, avec son naturel désarmant, leur donnerait une clientèle au Québec, justifiant aussitôt une tournée de huit dates cet automne. La bande a ce côté hippie, bohème, engagé et militant qui fait penser à des cousins américains de Manu Chao. "Je voulais capturer le feeling naturel du groupe, sa vitalité, sa respiration. Ses membres sont des humains avant tout, très vivants, qui jouent une musique très festive sans le support de l’électricité."

Rupa est un prénom hindou d’origine sanskrite. Il évoque un esprit qui prend une forme humaine. Au début des années flower power, les parents de la chanteuse, d’origine indienne, ramaient pour s’établir en Californie. Il ont ramené les enfants en Asie pendant une année, le temps de s’établir en Amérique. La famille s’est retrouvée dans une ville du nord, au pied de l’Himalaya.

"Et puis, quand j’ai eu 10 ans, mon père qui était ingénieur électrique a trouvé un contrat en France pour travailler sur la carte à puce. On s’est établis à Aix-en-Provence. J’ai vraiment adoré ce feeling de vivre à l’extérieur, dans la rue. C’est là que les gens causent, vivent, mangent et vibrent. Voilà pourquoi je trouve ça amusant d’écrire en français. C’est une si belle langue… En plus, j’avais pensé que ce serait excitant pour les gens en Californie d’entendre ces sonorités non familières."

Rupa pratique la médecine interne dans un hôpital de la côte ouest. Un jour, elle a envoyé son démo chez Putumayo; le lendemain, elle a reçu un coup de fil de Jacob Edgar: "Il faut que je vous signe!" Mais la doctoresse reste très concernée politiquement. Elle peste contre le gouverneur de son État et précise que tous les membres de son groupe ont voté par anticipation – tournée oblige – pour mettre fin à cette ère d’injustices.

"San Francisco est une ville très ouverte d’esprit. En ce sens, ma musique est vraiment spécifique de cet espace urbain où tu peux tout entendre: rock en espagnol, hip-hop philippin et plein d’autres choses encore. Cette ville représente une lueur d’espoir dans une Amérique en plein déclin, grâce, justement, à ce très dense mélange de cultures diverses. C’est très beau et très naturel…"

Rupa affirme qu’elle n’est pas une guérisseuse. Que ce qu’elle fait avec compassion est un échange. "À l’hôpital, tu accueilles tes patients, mais tu apprends tellement par ce qu’ils te disent d’eux-mêmes et ce que te dit leur corps…"

L’acte de chanter, pour Rupa, tient du même procédé. C’est un échange, simplement.

À écouter si vous aimez /
Manu Chao, Ojos de Brujo, Lhasa De Sela