Angèle Dubeau : Dubeau de Glass
Angèle Dubeau a choisi des oeuvres phares, telles que The Hours Suite, Mishima et Company, pour rendre hommage à Philip Glass.
Ne pénètre pas qui veut le cercle fermé du compositeur américain Philip Glass, véritable ambassadeur du courant minimaliste. C’est pourtant ce qu’il faut faire pour endisquer le répertoire du prolifique musicien qui est à la tête de sa propre étiquette de disques, de sa maison d’édition et de quelques ensembles (orchestre de chambre et quatuor) qui sont reconnus comme légitimes et garants de sa création.
"C’est plus de 80 personnes qui gravitent autour de Philip Glass, explique Angèle Dubeau, venue nous présenter son disque Portrait. Comment fait-on maintenant pour avoir son autorisation? On tente de communiquer directement avec lui après avoir parlé à tous les intervenants qui sont sur le chemin. La première fois, c’est Mario (Labbé, président de la compagnie de disques Analekta et mari de l’interprète) qui est allé à New York pour exposer notre projet. Tout de suite, c’est un refus: Philip Glass ne travaille qu’avec une seule compagnie de disques, en l’occurrence la sienne, et il est impossible d’envisager la possibilité d’avoir l’accord de sa maison d’édition. On a monté l’échelle de son entreprise, étape par étape, jusqu’à lui, et il a dit oui. Ensuite, ses collaborateurs se demandaient: "C’est qui, elle?""
Le fait d’avoir travaillé avec le compositeur sur le Concerto pour violon, que la violoniste avait interprété il y a quelques années avec l’OSQ, a été un facteur clé dans cette réussite. Mis au courant, Philip Glass lui avait téléphoné pour l’inviter à New York afin de faire quelques ajustements sur le concerto. "C’était très intéressant, se rappelle-t-elle. C’est en travaillant avec lui qu’on se rend compte de la précision de son travail et à quel point tout est calculé et justifié. Moi qui suis très ordonnée – perfectionniste et maniaque du rangement, ça c’est moi -, j’en ai eu pour mon compte. Ce n’est pas une méthode de composition strictement mathématique, mais la structure de ses oeuvres est telle que c’est déroutant. C’est lorsqu’on arrive à intégrer toute cette conception et ce vocabulaire qu’on visualise le phénomène d’ensemble. Quand ça arrive… Wow! On saisit toute l’intelligence d’un système d’une logique infaillible."
Cela nous donne l’impression que ce fut un véritable entraînement olympique qui s’est mis en branle pour Portrait au sein de l’ensemble à cordes La Pietà, que dirige la violoniste. "On se rend compte, comme musicienne, que c’est une musique très exigeante physiquement. C’est très rare que je demande une pause lors des répétitions mais, dans les circonstances, il fallait que la technique et la rythmique ne soient pas un fardeau pour l’interprétation. C’est à ce moment-là que la chef d’orchestre entre en scène et qu’elle dialogue avec ses interprètes. Simplement pour discuter et saisir le propos du compositeur, les harmoniques et les méthodes qu’il utilise pour y parvenir." Un exercice discographique inattendu de la part de l’ensemble, qui risque fort de se rendre jusqu’aux oreilles du compositeur américain.
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