Claude Dubois : Tendre ravageur
Musique

Claude Dubois : Tendre ravageur

Des hits plein le banc de piano, Claude Dubois revient à l’épurement des blanches, des noires et du violon.

Selon Claude Dubois, la formule piano-violon et le contact intime avec sa souveraine voix plongeraient son public dans un état de vulnérabilité. À propos d’un récent spectacle: "Je me suis retrouvé avec 600 personnes en larmes, à un point tel qu’à un moment donné j’ai dit: "J’espère que vous n’avez pas payé pour ça?" Mais c’est correct, tu te dis: "Why not? Pourquoi pas les émotions?" C’est quasiment de la thérapie par bouts. Ça me rappelle un peu Portage [un centre de désintoxication] quand on faisait des groupes de sentiments et qu’on réussissait à entrer en contact avec des choses qu’on cachait. J’ai l’impression que les gens ressortent du spectacle soulagés d’avoir été capables de reconnaître la même fragilité dans ceux qui les entourent."

Ce public, ses fidèles, Claude Dubois pense l’avoir bien cerné. Il en parle avec l’intransigeance du père de famille inquiet et, sans crier gare, dresse le portrait de ce qui le menacerait. "Mes gens sont véritablement la classe moyenne, qui est à mon sens le squelette même de l’Amérique. C’est souvent eux qui votent contre eux. Ils sont comme inconscients, ils sont comme écoeurés de la politique, ils n’ont pas encore compris que la politique était la défense de leur existence. Ils sont en train de se tirer dans le pied. La classe moyenne se détruit de par son manque de conscience de l’importance qu’ont ses représentants pour sa survie à elle. Ça, c’est mon public à moi. C’est eux qui viennent me voir, je viens d’eux autres et c’est les gens que je préfère dans ma société", explique le tendre ravageur.

Pseudo

Enflammé quand il est question de politique et de société, c’est pourtant lorsqu’il avoue vouloir parfois se délester du Dubois public et renaître autrement que l’auteur de Femmes ou filles semble le plus sincère. Le chanteur aimerait d’ailleurs un jour se permettre un pseudo, comme l’écrivain Romain Gary et son alter ego Émile Ajar. "Je lui ai toujours beaucoup envié de pouvoir jouer sur deux plans. J’aurais souhaité écrire des chansons et les signer d’un autre nom. Peut-être que je le ferai. Ça permet de "réexister", non pas pour son image, mais pour sa capacité d’écriture."

Cet aveu du poids que constituent son image et le désir de plaire expliquerait une partie du catalogue de Dubois sur laquelle il porte un jugement sévère. "J’en ai fait des mauvaises [chansons], évidemment. J’en ai fait qui étaient à chier. Je le savais au moment de les faire. C’était pour essayer de répondre aux goûts du jour, mais je n’ai pas de regrets. Je suis bien content d’en avoir écrit des mauvaises, mais je préfère en avoir écrit des bonnes", lance-t-il, spirituel.

Quand Dubois écrivait, en exergue à Fresque (son recueil de paroles de chansons paru en 1993), "Je n’aurai laissé derrière moi que quelques pas dans le sable du temps effacés par la vague des modes", se voulait-il donc facétieux ou réfléchi? Dubois ne dément pas Dubois: "Le jour où je cesserai de courir sur la plage, la vague va effacer les pas. Mais pour l’instant, je cours toujours. C’est pour ça que ça reste."

À écouter si vous aimez /
Jean-Pierre Ferland, Francis Cabrel, Nicola Ciccone