M pour Montréal : Je t'M moi non plus
Musique

M pour Montréal : Je t’M moi non plus

M pour Montréal propose une éclatante troisième édition visant à charmer autant la cinquantaine de délégués internationaux qu’un public friand de musique émergente. Bilan d’un événement unique avec Sébastien Nasra, cofondateur et directeur artistique.

L’aventure M pour Montréal a débuté il y a trois ans, peu de temps après que Sébastien Nasra, gérant de Jorane, Beast, Plaster, Elisapie Isaac, et le promoteur anglais Martin Elbourne (festivals de Glastonbury et The Great Escape à Brighton) en eurent eu l’idée entre deux pintes dans un pub de Londres. À l’heure où toutes les oreilles étaient tournées vers Montréal, la création d’un événement qui mettrait en contact artistes prêts à rayonner et promoteurs, journalistes étrangers qui ne demandaient pas mieux que de les découvrir avant tout le monde semblait profitable pour tous.

Lors de la première édition, en 2006, quelques groupes triés sur le volet eurent donc l’occasion de se produire sur les scènes du Main Hall et du Green Room devant une impressionnante délégation de têtes chercheuses venues d’un peu partout sur le globe. Trois ans plus tard, le M s’étale sur trois jours plutôt que deux, a plus que doublé le nombre d’artistes invités (parmi lesquels The National Parcs, Les Dales Hawerchuk, Pas Chic Chic, Duchess Says, Beast, Radio Radio, Gatineau et We Are Wolves, entre autres), les présente dans de plus grandes salles (Cabaret Juste pour rire et Métropolis), a invité quelques formations torontoises (Sweet Thing, Lioness, Arkells, Woodhands, Colin Munroe) et, surtout, s’est adjoint quelques gros noms accrocheurs (Pierre Lapointe, Karkwa) dans le but avoué de courtiser un plus vaste public, "ce qui permet aux groupes de maximiser leurs performances et aux délégués de les voir évoluer dans leur habitat naturel", précise Sébastien Nasra, personnalité de plus en plus influente dans l’industrie.

Un effort louable mais nécessaire dans le contexte de la saignée à blanc perpétrée par le gouvernement Harper. "C’est l’an prochain que ça va nous faire mal. Ils ont sabré dans des programmes qui nous permettent de faire venir les délégués internationaux, ce qui est grosso modo la raison d’être du M. Pour permettre à un événement comme le nôtre de survivre, les commanditaires vont être nécessaires, d’où l’idée de se tourner vers le public pour accroître notre visibilité. (…) Ce qui ne change pas, même si l’événement prend des airs de petit festival, c’est qu’on tient à ce que jamais des prestations ne se chevauchent. La cinquantaine de délégués qui se déplacent, pour nous c’est la clé, et nous voulons garantir aux bands qu’ils auront toute leur attention pendant le show."

Résultat: les spectateurs ont droit à de courtes prestations d’artistes gonflés à bloc. "On s’est rendu compte que pour le public, ce genre de show est assez rare. Quand est-ce que tu peux voir Pierre Lapointe, Karkwa, We Are Wolves, Coeur de Pirate et Jon Lajoie réunis au Métropolis pour 20 $?"

Le jour, lors de sympathiques convocations qui portent des noms invitants tels que "M pour Martini", les délégués – les oreilles encore pleines des sons entendus la veille – rencontrent gérants et représentants des groupes sélectionnés par l’équipe du M. "Ça ressemble à du speed dating. Ce sont d’incroyables occasions d’affaires. La première année, par exemple, Patrick Watson s’est déniché un agent de booking de spectacles en Angleterre, de gros acheteurs de festivals ont décidé de le programmer, on a parlé de lui dans le NME (influent magazine anglais consacré à la musique), par la suite, ça lui a ouvert des portes en Allemagne et il y a eu ce contrat avec Virgin… M pour Montréal met de l’huile sur le feu, pour ceux qui ont déjà un petit feu d’allumé. Et pour d’autres, c’est carrément l’étincelle."

En ce sens, cette vitrine évoque aussi CINARS, un autre rendez-vous des professionnels des arts de la scène (théâtre, danse, musique, arts multidisciplinaires et arts du cirque) auquel le public est convié et qui célèbre ses 25 ans cette année du 17 au 23 novembre (www.cinars.org).

Bien qu’on parle surtout de ces trois jours de novembre où le M pour Montréal culmine avec le spectacle de clôture qui se tiendra au Métropolis, on est devant une plate-forme qui sévit à longueur d’année. "On regroupe des artistes sous la bannière M pour Montréal en mars au festival South by Southwest à Austin; The Great Escape à Brighton (Angleterre), en mai, fait partie de nos plans de développement; à partir du mois d’avril, on organise les mini-M dans de petites salles de la Métropole une fois par mois afin d’assurer un bon repérage; en septembre, on fait désormais le M sur les quais dans le Vieux-Montréal; puis vient ensuite notre gros M en novembre… Il est aussi question de se rendre au MIDEM à Cannes à la fin janvier et à Vancouver dans le cadre des Olympiades culturelles en prévision des Jeux de 2010…" M pour… magnifique?

www.mpourmontreal.com

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MONTRÉAL VU PAR…

Deux journalistes du magazine français Les Inrockuptibles

Derniers coups de coeur et découvertes:

Thomas Burgel: "We Are Wolves, Numéro#, Karkwa et un groupe en particulier qui m’a profondément et définitivement marqué: Torngat."

Pierre Siankowski: "Pierre Lapointe, Malajube, Gatineau et Coeur de Pirate."

Comment qualifieriez-vous le son de Montréal?

T.B.: "Un mot me vient à l’esprit: le souffle. La sincérité, également; un groupe comme We Are Wolves ne pourrait sans doute pas se défaire d’une trace de cynisme et de calcul en France ou en Grande-Bretagne."

P.S.: "Ce n’est pas tellement le son qui m’a touché mais plutôt l’énergie, le souffle, la tension. La référence ultime est le premier album d’Arcade Fire."

En 2004, la planète rock s’est tournée vers Montréal. Quatre ans plus tard, la ville a-t-elle tenu ses promesses?

T.B.: "Arcade Fire ou les artistes du label Constellation ont peut-être placé une lumière un peu trop forte sur Montréal; je ne crois pas aux mouvements spontanés, une scène ne se forme pas en quelques mois ou années. La lumière est sans doute un peu moins forte depuis un ou deux ans, mais cela n’empêche pas d’excellents groupes de surgir de la ville, plus discrètement et sans attentes démesurées."

P.S.: "Vu de France, les disques qui viennent de Montréal et qui sont chantés en français sont très surprenants, car dégagés des formats classiques. On peut penser à Malajube et Coeur de Pirate, qui chantent d’une façon tout à fait originale et décomplexée. Cependant, certains groupes qui bénéficiaient de l’exposition de la ville ont peiné à confirmer. Je pense à Wolf Parade, par exemple, dont le dernier disque est très mauvais."

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À VOS MARQUES, PRÊTS…? PARTEZ!

Sylvain Séguin des Dales Hawerchuk: "Le fait de jouer devant tous les délégués va me stimuler à leur rocker la face, ces bonhommes-là. Si t’aimes le rock, bienvenue dans mon monde, sinon, ben passe au band suivant. L’édition 2008 est très variée, y a du cream soda, de la liqueur à l’orange et de la liqueur noire. Chaque groupe a sa saveur, nous on a la nôtre pis je pense qu’on goûte bon. Et on a une carte cachée: notre bonne humeur."

Coeur de Pirate: "On m’a rajoutée à la dernière minute. Le même soir, j’ai aussi un show à Laval. Mes musiciens vont m’y attendre. Je vais donc me produire seule au piano dans le vaste Métropolis… et devoir me surpasser. Mais les gens saisissent rapidement l’essence de mon projet quand je performe en formule solo."

Chimwemwe des National Parcs: "C’est cool qu’il y ait à Montréal une plate-forme qui nous permette de faire connaître au monde le métissage unique qui s’y produit. Et puis démarrer un band, c’est du travail; on est comme n’importe quelle entreprise qui commence."

Séba de Gatineau: "J’espérais vraiment faire partie de M pour Montréal un jour. À mes yeux, c’est un sceau de qualité. On est allé en France deux fois cette année et ça a bien fonctionné, on a eu une réception hallucinante au Printemps de Bourges et j’ai juste envie d’y retourner!"

Jacobus de Radio Radio: "J’espère faire bonne impression auprès des programmateurs français pour peut-être aller y jouer. On n’est pas si nerveux à l’idée de performer devant tous ces délégués, mais on risque de le devenir si on apprend que quelqu’un s’intéresse à nous après avoir vu le show."