Richard Séguin : L’homme des montagnes
Accompagné d’un complice guitariste, Richard Séguin propose un spectacle acoustique composé de chansons, de poésie et de silences venus des Appalaches.
C’est au lendemain du 30e Gala de l’ADISQ que nous avions rendez-vous avec Richard Séguin. On ne pouvait pas s’empêcher de demander au chanteur ce qu’il avait pensé de l’intervention de Louis-José Houde à son sujet; l’humoriste qui animait la soirée l’avait comparé au plus solide des matériaux de la chanson québécoise. "Je pense qu’il saluait ma façon de faire le métier. D’être là, se retirer, prendre le temps d’écrire, revenir… En plus du fait que j’étais présent au tout premier gala, il y a 30 ans."
Malgré qu’il soit un artiste établi, Richard Séguin a la nette impression qu’il lui est encore essentiel de lutter pour durer. "Au Québec, on a tous cette angoisse-là. On est toujours jugés à partir de notre dernier album, de notre dernier spectacle. Des fois, c’est un peu essoufflant, mais je trouve ça correct. Il ne faut rien tenir pour acquis." Ainsi, Richard Séguin a su se remettre en question tout au long de sa carrière afin de rester pertinent. Certains diront qu’il a su suivre son chemin.
POST-SCRIPTUM ACOUSTIQUE
Cet automne, c’est la fin d’un cycle pour celui qui habite toujours le village de Saint-Venant-de-Paquette dans les Cantons-de-l’Est. Il a entamé une tournée acoustique afin de conclure en beauté l’épisode Lettres ouvertes, un disque épistolaire paru en 2006. "Sur scène, je suis juste avec un autre guitariste, Hugo Perrault. Il connaît tout le répertoire. On peut donc s’amuser à changer de chansons chaque soir." En plus d’une grande liberté, la formule intimiste donne beaucoup d’espace sur le plan musical. "Il y a un paradoxe parce qu’on dirait qu’il y a davantage de musicalité quand il y a moins de monde. À deux guitares, on se retrouve avec un champ harmonique tellement vaste… Ça permet plus de nuances. Même les silences sont chargés musicalement."
Le silence, Richard Séguin a su l’apprivoiser. Il le retrouve un peu comme un vieil ami chaque fois qu’il retourne chez lui, au coeur des Appalaches.
"Le milieu où l’on crée, c’est lui qui nous façonne. Vivre en montagne, ce n’est pas la même chose que de vivre sur le bord du fleuve ou à l’intérieur des terres. Je le sens dans ma façon de chanter, dans ma voix. Ma musique est imprégnée de la culture des Appalaches, une culture folk. Je la retrouve plus dans mon show acoustique. Avec l’approche guitare-voix, je me sens plus proche de ce que je suis." Il n’y a aucun doute, Richard Séguin appartient au clan des hommes des montagnes.
SES HOMMAGES
Au cours de la dernière année, Richard Séguin a participé à deux brillants projets d’hommage à de grandes entités de la culture québécoise. Le premier est celui à Félix Leclerc, qui a entre autres pris la forme d’un album. Richard Séguin a grandement apprécié replonger dans l’oeuvre de cet homme qui appartient à un autre clan que le sien, soit celui de l’île d’Orléans. "Félix avait un aspect visionnaire. Imaginer l’île d’Orléans en dépotoir, on n’est pas loin de Rabaska. "Si les hommes accouchaient, l’avortement serait un sacrement", il a dit ça il y a des années. Il a aussi écrit des textes magnifiques sur ce qu’on peut faire avec l’argent qu’on met dans l’armement. Félix, c’est toujours actuel."
De plus, on ne s’étonne pas de retrouver Richard Séguin sur Douze Hommes rapaillés, un disque qui met en chansons la poésie de Gaston Miron. "C’est le plus grand. Chacun de ses poèmes peut être écrit dans la pierre", dit-il en faisant référence au Sentier poétique de Saint-Venant-de-Paquette. "Ce qui m’étonne, c’est à quel point on est coupés de nos poètes. Le fait de laisser des écrits dans l’oubli, c’est se priver d’une partie de soi."
Ainsi, Richard Séguin lutte non seulement pour durer en tant qu’artiste, mais pour que la poésie reste vivante. C’est pourquoi il fait lui aussi partie des grands.
À écouter si vous aimez /
Félix Leclerc, Jim Corcoran, Woody Guthrie