Abd Al Malik : Le sommet de Dante
Musique

Abd Al Malik : Le sommet de Dante

Plus militant que jamais, Abd Al Malik s’interroge sur le rôle de l’artiste et fédère les styles sur son troisième album au confluent du hip-hop, du slam, du jazz et de la chanson.

Articulé, réfléchi, possédant une verve foisonnante, Abd Al Malik s’émancipe sur Dante. Moins de deux ans après la parution du solide Gibraltar, le jeune homme d’origine congolaise réaffirme son engagement social, spirituel et politique. Ce n’est pas un hasard s’il a choisi le célèbre écrivain florentin Dante Alighieri pour parler de démocratisation de la culture. "À l’époque où il a écrit La Divine Comédie, tout le monde écrivait en latin. Lui a décidé d’écrire en toscan. En utilisant la langue du peuple, il a participé à la démocratisation du savoir et de la culture. C’était un acte fort et audacieux puisqu’il affirmait que ce n’était pas réservé à l’élite. C’est ce qui m’intéresse dans l’art: décloisonner les choses, clamer haut et fort que le rap, la littérature ne sont pas réservés à une élite, mais qu’ils appartiennent à tout le monde", confie Abd Al Malik.

Armé de son flow délié et de sa voix chaude et enveloppante, le rappeur alsacien creuse le sillon de son opus précédent. Il livre une collection de titres au propos plus universel tout en exprimant son patriotisme et son attachement viscéral à la culture française. "Avant, je racontais mon histoire; maintenant, je raconte notre histoire à nous tous. Ma démarche prend ses racines dans le hip-hop, mais je veux transcender les styles, donner un coup de pied dans tout ce qui porte une étiquette de sectarisme. Lorsqu’un rappeur américain emprunte au soul ou au jazz, il puise dans son patrimoine. Moi, je puise dans le mien. J’estime que le rôle de tout artiste est de préserver son patrimoine et de cultiver la modernité", avance-t-il, la voix vibrante.

C’est un ensemble plus orchestré et luxuriant que propose Malik sur Dante, plus que jamais inscrit dans une filiation entre tradition et modernité, chanson et rap. Enregistré en direct, à l’ancienne, l’opus bénéficie de l’apport du pianiste de Brel (Gérard Jouannest), de l’arrangeur de Gainsbourg, Ferrat et Vian (Alain Goraguer) et d’une certaine Juliette Gréco. "Depuis longtemps, je voulais travailler avec une rappeuse. Je me suis dit que j’allais travailler avec la plus grande de toutes, celle qui rappe depuis 50 ans. Gréco cultive cet esprit de contradiction. Elle dit non lorsqu’on dit oui. Elle déstabilise dans le confort. Elle fait bouger les choses lorsque tout va bien et c’est précisément ce que je recherche chez un artiste."

Alors que l’on bosse sur l’adaptation cinématographique de son livre Qu’Allah bénisse la France (qui paraîtra dans la langue de Shakespeare en avril prochain), Malik prépare une tournée-marathon et caresse de nombreux projets. Militant dans l’âme, le leader du collectif N.A.P. souhaite, par tous les moyens, laisser sa trace. "J’estime qu’un disque n’est pas que le prolongement d’un être humain, c’est lui tout entier. Plusieurs artistes m’ont donné envie de lire des bouquins, de créer de la musique. Ces artistes m’ont amené à m’interroger sur moi-même. Ils ont participé à mon évolution en tant qu’être humain. Aujourd’hui, c’est à mon tour de faire partie de ces artistes."

Abd Al Malik
Dante
(Maisonnette/Select)

À écouter si vous aimez /
Grand Corps Malade, Ami Karim, Oxmo Puccino