Ani DiFranco : Le début d’un temps nouveau
Aux plans privé et politique, Ani DiFranco récolte à peu près tout ce qu’elle avait semé en une grandiose année bien remplie. Un nouveau cycle est en marche.
L’expression anglaise "a red letter day" se traduit par "un jour à marquer d’une pierre blanche", une date à encercler sur le calendrier. Sur son dernier album, Ani DiFranco tord légèrement l’expression pour l’appliquer à une année complète et Red Letter Year devient carrément le titre du disque. Beaucoup de joie et de chaleur s’en dégage; on devine que la prolifique folkeuse américaine se porte bien. "Énormément de belles choses me sont arrivées ces derniers temps, il y a un momentum. J’ai eu un enfant, je suis déménagée à La Nouvelle-Orléans (d’où vient mon amoureux), j’ai un nouveau band et, après avoir lancé une compilation des chansons marquantes de mes 20 dernières années [Canon, 2007], je sens qu’une nouvelle ère créative s’est amorcée. Sans parler de tous les changements qui s’opèrent dans ma société!"
Pour une artiste qui n’a jamais caché son engagement politique, qui a écrit son lot de protest songs en vue de dénoncer le racisme et le sexisme ambiants, l’élection de Barack Obama représente une bénédiction, voire une possible rédemption pour son pays. "Je suis tellement excitée par ce qui arrive! s’enthousiasme-t-elle. Jusqu’ici, ma génération n’avait rien connu d’autre que des menteurs, des tricheurs qui putassaient avec les grosses corporations et qui pensaient juste à protéger leurs arrières. Ce n’est pas pour rien que les Américains sont désillusionnés et que plusieurs n’avaient plus aucune foi en leurs dirigeants. Obama arrive avec une énergie grisante. On a vu tout un pan de l’électorat qui se contente souvent de rester coi (les jeunes, les Noirs) se mobiliser le 4 novembre dernier. Je crois qu’Obama sera une personnalité marquante dans l’histoire de l’Amérique et je suis plus qu’heureuse de pouvoir assister à son accession au pouvoir."
Ani DiFranco affirme que la musique est pour elle un médicament, "une façon de passer à travers des situations plus difficiles". Comment écrire à partir d’un état joyeux? "Il est vrai que c’est moins automatique pour moi de prendre la guitare lorsque je suis occupée à être heureuse… Mais les chansons engagées politiquement sont difficiles à rédiger à un autre niveau, dans le choix des mots. Écrire sur les petites choses de la vie me vient plus naturellement."
Il faut dire que la chaleur introduite par certains nouveaux musiciens recrutés sur place, à La Nouvelle-Orléans, où Ani DiFranco possède désormais non seulement un pied-à-terre mais aussi un studio, joue pour beaucoup. Dans la dernière chanson de l’album, une reprise de la première qui fait la part belle aux cuivres, cela devient flagrant: "Cette ville m’inspire quelque chose de gai. C’est inspirant de voir comment les gens d’ici se reconstruisent malgré tout ce qui s’est abattu sur eux. J’ai recruté plusieurs musiciens louisianais; le Rebirth Brass Band qu’on entend sur l’album est fabuleux. Comment ne pas se laisser gagner quand on vit entourée de la meilleure musique de fête qui soit?"
À écouter si vous aimez /
Tori Amos, Sarah McLachlan, Sinead O’Connor