James Blunt : Le bon soldat
Le très volontaire James Blunt dirige sa tournée mondiale vers le front canadien. Au pas, camarade.
Au bout du fil, James Blunt mitraille ses propos à une cadence élevée. Peu importe la question, la réponse émerge spontanément, livrée par une langue (de bois) directe, mais prudente. Peut-être cela tient-il au fait que, depuis qu’il a gagné ses épaulettes, l’ex-soldat devenu chanteur a tout entendu et que, désormais, n’importe quel interrogatoire comporte une part de redondance.
Son parcours, même si on le connaît, mérite d’être retracé brièvement. Après une carrière militaire qui l’a notamment vu coiffer un casque bleu au Kosovo, Blunt se tourne vers la chanson. Beau gosse aux propriétés vocales veloutées, il chante un rock contemporain qui cartonne mondialement. Un extrait imparable, You’re Beautiful, tourne en boucle dans les ascenseurs et les cabinets de dentisterie. En trois ans, l’Anglais écoule 14 millions de ses deux albums, Back to Bedlam et All the Lost Souls – ce dernier reparaît ces jours-ci en version bonifiée.
Où peut-on aller quand on est si rapidement parvenu au sommet? "Il faut redescendre, je présume", répond Blunt en se permettant un début d’éclat de rire. Sérieusement, le musicien ne semble pas se soucier de ces questions d’altitude outre mesure. Il est là pour la durée, avec ou sans témoins pour l’écouter. "La musique, pour moi, est un besoin, confie Blunt. Il faut que j’écrive, c’est vital. J’ai eu la chance de réaliser un premier disque, puis un deuxième, toujours en faisant ce que j’aime. Je ne peux vraiment pas me plaindre, j’adore mon travail", affirme-t-il.
À PRENDRE PERSONNEL
Pour peu qu’on les écoute d’une oreille intéressée, on découvrira aux chansons de Blunt des textures et des coloris qui logent légèrement à gauche des standards actuels. L’enveloppe est lisse, mais le contenu, aigre-doux. Les paroles distillent un mélange de mélancolie et d’espoir. "Tout est dérivé de ma propre expérience, explique le musicien. Mes paroles sont sombres, mais débouchent sur quelque chose de positif. Elles possèdent en outre un caractère réflexif. Au fond, j’aborde des sujets universels auxquels tout le monde peut s’identifier. Qui ne se pose pas de questions sur le sens de la vie?"
Puisant à même une encre empathique, l’artiste cherche à toucher coeurs et esprits. Pense-t-il encore être en position de changer le monde, maintenant qu’il a troqué l’uniforme contre les habits de l’entertainer? Peut-être pas aussi concrètement que les organisations oeuvrant sur le terrain, comme Médecins sans frontières, qu’il admire et soutient. Cela dit, Blunt croit aux vertus unificatrices de la chanson: "Quand je suis retourné au Kosovo, il y a deux ans, j’ai donné un spectacle devant des Serbes et des Kosovars albanais qui, il n’y a pas si longtemps, s’entretuaient. Pendant 90 minutes, ils se sont tenus côte à côte, unis par la musique et leur sens commun de l’humanité. J’aime à penser qu’un musicien peut véhiculer des valeurs humaines."
À écouter si vous aimez / Coldplay, David Gray, Yoav