Mercury Rev : Bonne nuit, beau Rev
Mercury Rev nous souffle un Snowflake Midnight volatil et fondant. À écouter en mode nocturne, préférablement.
Il y a du neuf au royaume du Rev. Les esprits baroques qui hantaient la musique du groupe depuis la gestation du luxuriant Deserter’s Songs, voilà 10 ans, ont troqué leurs tambourin, clavecin et autres scies musicales pour des outils plus modernes. Mercury Rev marche désormais selon un pas cadencé à la machine. Son psychédélisme pastoral s’exprime dans un pré carré ambient dont les limites territoriales, resserrées, sont dessinées par la (boîte de) nuit. Le son confectionné résulte d’une volonté renouvelée de ne pas "sur-réfléchir" la musique. Jeff Mercer précise que Snowflake Midnight est redevable à quantité d’essais à l’aveugle. "Presque tout a pris forme de manière spontanée, précise le batteur-bidouilleur. Personne n’arrivait en disant: j’ai écrit une chanson hier soir, voici les accords et les paroles, il ne manque qu’un refrain. Au contraire, on arrivait les mains vides et on partait de rien. C’est un mode de création très libérateur."
En plus de laisser libre cours à son instinct, Mercury Rev s’est sciemment placé en déséquilibre. Libéré du carcan de sa routine, le groupe a retrouvé le goût de la surprise. Les rôles traditionnels ont été renversés, tout naturellement, au moment d’entrer en studio. "Je n’avais pas envie de m’installer à la batterie, comme on le fait d’habitude, se rappelle Mercer. Grasshopper, au cours des premiers mois, a rarement touché à une guitare. On pitonnait beaucoup. Même si c’est moi le batteur, les autres aussi ont participé à la programmation rythmique. En confiant cette tâche à quelqu’un dont ce n’est pas le champ de compétence, on obtient quelque chose de frais. Au final, c’est la combinaison de nos idées qui a influencé les changements adoptés sur le plan du rythme", affirme le musicien.
DEUX DISQUES POUR LE PRIX D’UN
En vérité, on ne vous a pas tout dit. En plus de faire paraître Snowflake Midnight, disque promu selon la filière habituelle, Mercury Rev propose un deuxième album inédit, téléchargeable tout à fait gratuitement au mercuryrev.com. Présenté comme le compagnon de l’autre, Strange Attractor compile une dizaine de morceaux instrumentaux, aux accents électroniques plus pointus, captés à la fin des mêmes séances d’enregistrement. "On ne voulait pas attendre un an avant de faire paraître Strange Attractor. Il nous paraissait pertinent et important de tout faire paraître simultanément, soutient Jeff Mercer. On a d’abord pensé tout faire paraître en un seul programme, mais ça nous semblait plus compliqué. Les questions de packaging étaient assez problématiques. Sans compter le fait qu’un disque double, ça coûte des sous."
Du coup, les musiciens se sont dit qu’offrir gratuitement cette musique supplémentaire était la chose à faire. "Le Web, pour ce genre d’entreprise, constitue la meilleure plate-forme, pense Mercer. Je me serais attendu à plus de résistance de la part de notre nouveau label, Yep Rock, mais non, l’idée lui plaisait." Cela dit, la version vinyle de luxe réunit, elle, les deux albums. Les collectionneurs y trouveront leur compte.
Les amateurs de sport aussi… Fait saillant de Strange Attractor, la pièce Nocturne for Norwood a été nommée en l’honneur du tristement célèbre botteur Scott Norwood, des Bills de Buffalo. Sa tentative de placement ratée, dans les derniers instants du Super Bowl XXV, est passée à l’histoire. "J’ai téléchargé la description de la célèbre séquence du jeu telle qu’entendue à la radio, explique Mercer, fan des Bills. Je l’ai répétée et me la suis appropriée. C’est ma voix qu’on entend sur l’enregistrement." Le résultat évoque Erik Satie pianotant au Monday Night Football. "J’espère que les gens comprendront que c’est une sorte d’hommage. L’idée, c’était de montrer que, même dans la défaite, il est permis de savourer tragédie et beauté." Vous en parlerez aux partisans des Alouettes…
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