Alain Souchon : Des bulles de savon
Alain Souchon nous prend de court et revient déjà avec un nouvel album, Écoutez d’où ma peine vient. Il chante toujours le rêve, la mélancolie et la révolte, sous des airs légers.
Les amateurs de chanson française le savent: Alain Souchon est un des plus grands et novateurs chanteurs francophones. Mais sa nature réservée le pousse à ne pas trop se prendre au sérieux. Alors que l’on fait de savantes études sur son oeuvre, que le public populaire le plébiscite, lui persiste à se percevoir comme un simple faiseur de "bulles de savon". Sauf que ses bulles n’ont rien d’éphémère, elles s’envolent sur les ondes depuis trois décennies.
Depuis 1988, Souchon mettait de cinq à six ans pour pondre un nouvel opus. Avec Écoutez d’où ma peine vient, trois années ont suffi: "J’ai fait deux chansons (Rêveur et Elle danse) pour une émission de télé qui m’était consacrée. Dans ma tête, le mécanisme d’écrire des chansons s’est mis en route. Après, j’ai continué à en faire… J’en avais envie, ça me venait comme ça… Je n’étais pas stressé ou pressé, je ne me disais pas que je faisais un disque. Puis quand j’ai eu cinq ou six morceaux, ma maison de disques m’a dit qu’il faudrait faire un album. J’ai demandé de l’aide à des gens que j’adore: David McNeil, mon fils Pierre. Écrire, c’est un mélange de plaisir, quand on trouve les mots qui s’ajustent bien à la musique, et d’embêtements. Mais en même temps, je ne sais faire que ça", raconte Souchon au bout du fil.
Si le chanteur a presque composé seul son disque, il a également remis en musique un poème de Louis Aragon (Oh, la guitare) qui avait déjà été chanté par Hélène Martin en 1971: "J’aime beaucoup ce que fait Hélène Martin, elle chantait Le Condamné à mort, c’était magnifique. Mais je ne connais pas sa musique sur ce texte d’Aragon. Ça doit être très bien. Je sais bien que ma musique n’est pas formidable, mais c’est un plaisir personnel de chanter Aragon. Je retrouve ma jeunesse. J’aime ce poème avec le mot "guitare" dans son titre."
Lorsqu’on lui parle des analyses sérieuses de son oeuvre et du contraste de celles-ci avec la légèreté apparente de ses chansons, Souchon prend un air détaché: "J’en ai lu des extraits par-ci, par-là. Ça me flatte, c’est sûr. Je n’étais pas bon en classe et maintenant je fais des chansons qui peuvent intéresser certaines personnes, ça me touche." Après plus de trois décennies de carrière, l’artiste semble toujours autant manquer de confiance en lui, au point de retarder la sortie de son nouvel album de plus d’un mois afin de retourner en studio enregistrer une chanson supplémentaire, écrite en compagnie de son fidèle complice de toujours Laurent Voulzy. Souchon y tenait. Comme il tenait à réenregistrer Bonjour tristesse, passée inaperçue sur le précédent opus. Avant de raccrocher, une dernière facétie, histoire d’alléger l’atmosphère, il nous demande d’embrasser tout le monde et les orignaux. C’est fait.
Alain Souchon
Écoutez d’où ma peine vient
(EMI)
En magasin le 16 décembre
À écouter si vous aimez /
Laurent Voulzy, Louis Chedid, Sandrine Kiberlain
TÉLÉCHARGEZ-MOI
C’est devenu une mode. Que ce soit chez Radiohead, Manu Chao ou Noir Désir, on propose ses morceaux en téléchargement légal et gratuit. Souchon entre dans la danse. Quelques semaines avant la sortie d’Écoutez d’où ma peine vient, il offrait sur son site la chanson Parachute doré. Certains trouvent ce geste généreux, d’autres le considèrent comme un coup de marketing. Qu’en pense le chanteur? "Ce n’est ni l’un ni l’autre. J’ai fait cette chanson il y a huit mois. Elle mettait au jour quelque chose dont les gens ne parlaient pas forcément. Puis quand tout le monde ne parlait plus que de ça, je me suis dit qu’elle n’aurait plus de saveur dans six mois. Autant être gentil et la donner tout de suite. En plus, elle parle d’argent…"