Hilotrons : Hilotrons: La troisième solitude
Musique

Hilotrons : Hilotrons: La troisième solitude

De l’autre bord du parc, au coeur des Collines, vivent les Hilotrons, des petits bonshommes qui chantent en anglais mais se sentent bien québécois. Rencontre avec une espèce oubliée.

Depuis la parution d’un premier album éponyme en 2003, Hilotrons a séduit nombre de critiques qui semblent tous se demander: pourquoi suis-je seul à en parler? C’est d’autant plus vrai au Québec, où le groupe a autant fait couler d’encre que Harper fait chavirer les coeurs. Pourtant, le mélange sonore qu’offre Hilotrons est sucré à souhait et contient tous les nutriments essentiels au développement. "Nous écoutons beaucoup de musiques asiatiques, de trames sonores de bollywood. Surtout de la pop. En écoutant à fond, on découvre les subtilités d’une musique, et elles sont plus importantes que les différences plus évidentes. Par exemple, la pop cambodgienne des années 60 est super intéressante car elle est inspirée par le rock britannique, mais aussi par le rock instrumental américain, la musique latine – rumbas, bossas-novas, sambas. Mis ensemble, tout ça crée un style très éclectique, c’est très près de notre approche", me confie Mike Dubue, chanteur et claviériste aux airs de schtroumpf à lunettes. Dans le cas présent, on retrouve évidemment l’influence de la pop asiatique ci-mentionnée, mais aussi du new wave, le son post-punk des Talking Heads, le surf rock des Jaguars, les ambiances morriconesques, la pop synthé des années 1980, etc. Leur dernier opus, Happymatic, propose une esthétique postmoderne unique: "Notre approche, par couches, nous permet de ne pas tomber dans les clichés. Les chansons ont un squelette que l’on accoutre comme on veut. Nous avons un son propre qui ressort", ajoute Dubue.

Tous les printemps, Dubue et ses potes – Mike Schultz aux claviers, Philip Shaw Bova à la batterie, Damian Sawka à la basse et Paul Hogan à la guitare – s’entassent dans un van pour quelques mois, question de faire découvrir leur art de la bonne vieille façon: "C’est compliqué parce qu’il faut qu’on paie nos factures d’avance, et on est sans revenus. La tournée demande beaucoup de sacrifices", regrette Sawka. Mais le mot se passe et le quartier général du groupe, Wakefield, permet quand même au groupe de se produire régulièrement: "Je ne crois pas qu’une scène comme Wakefield pourrait exister ailleurs qu’au Québec, un lieu qui est beaucoup plus réceptif à la musique et à la culture que n’importe quelle autre province au Canada. Le Black Sheep Inn est aussi une des principales raisons à l’existence de cette scène, c’est rempli du mercredi au dimanche!" s’émeuvent les comparses. Mais comme dans tout village cloisonné, aux bienfaits d’une culture locale hallucinante s’ajoutent les menaces d’un quelconque Gargamel aux intentions douteuses: "Le district de La Pêche aimerait voir Wakefield couler dans la rivière. Ils préféreraient que les grandes compagnies s’occupent d’en faire un lieu touristique, plutôt que de le laisser aux petites entreprises en place", déplore le schtroumpf à lunettes.

Aujourd’hui, près d’ici, vivent dans un pays, étrange et merveilleux, ces musiciens joyeux. Découvrez ce groupe au talent rare que l’on encense aussi bien sur album que sur scène.

Hilotrons
Happymatic
(Kelp Records)
À écouter si vous aimez / The Talking Heads, Jim Bryson, XTC