Kent Nagano : Le Sacre de Nagano
Musique

Kent Nagano : Le Sacre de Nagano

C’est un gros programme que propose Kent Nagano pour ses premiers concerts montréalais en 2009, avec Tan Dun, Mahler, et Le Sacre du printemps!

Après avoir commencé l’année à Singapour (devant le Singapore Symphony Orchestra pour Elektra, de Strauss, le 9 janvier), Kent Nagano viendra passer une semaine à Montréal et en profitera pour présenter deux programmes en quatre concerts. Il commencera avec Orchestral Theatre 1 (1990), du compositeur chinois Tan Dun (que l’OSM interprétait d’ailleurs en 2002 sous la direction du compositeur), Das Lied von der Erde (Le Chant de la terre, 1909) de Gustav Mahler, avec le baryton Christian Gerhaher et le ténor Stuart Skelton, et le chef-d’oeuvre d’Igor Stravinski, Le Sacre du printemps.

On sait que l’oeuvre de Stravinski (et/ou le ballet qui l’accompagnait, chorégraphié par Nijinski) avait soulevé les passions lors de sa création à Paris en 1913. Pour l’auditeur qui la découvre, la musique du Sacre semble avoir été sculptée à la hache; elle déborde d’aspérités et les rythmes s’y entrechoquent d’une manière qui était véritablement inouïe au début du 20e siècle. Kent Nagano, qui a accepté de répondre à quelques questions, fait remarquer: "Avec la perspective qu’offre le passage du temps, Stravinski est reconnu comme l’un des plus inventifs et visionnaires parmi les compositeurs qui ont forgé notre tradition. Le Sacre du printemps est un chef-d’oeuvre qui demeure aujourd’hui toujours aussi audacieux et frais, près de 100 ans après sa création!"

Bien que Le Sacre soit né dans le tumulte et le scandale, il est aujourd’hui extrêmement populaire et régulièrement mis au programme par tous les grands orchestres. "C’est vrai, commente Kent Nagano, et il est difficile d’imaginer que cette oeuvre était considérée par une grande partie du public, encore dans les années 1970, comme inécoutable, formée d’une suite de bruits incompréhensible et… très risquée à programmer!"

Le directeur musical de l’OSM a une connaissance très personnelle de l’oeuvre puisqu’il a eu le plaisir de travailler aux côtés d’Irina Nijinska (la nièce de Nijinski) lors d’une reconstitution historique de la création de l’oeuvre par les Ballets russes aux Ballets d’Oakland. "À son contact, explique-t-il, j’ai compris que le rythme est couleur, que la pulsation implique une fluidité flexible, que le son est une respiration et que la force n’est pas nécessairement la puissance. Comme vous pouvez l’imaginer, ces découvertes ont entraîné des implications naturelles, organiques, sur la façon dont l’interprétation doit être conçue pour quelqu’un qui place le respect de l’esthétique originale de Stravinski en priorité."

Le Sacre, autrefois réputé injouable, est-il devenu une petite musique de tous les jours? Le chef se braque: "Même si une oeuvre est familière, ça ne signifie pas forcément qu’elle soit facile à jouer. Les difficultés techniques et esthétiques demeurent. J’ajouterai que, justement, puisque l’oeuvre est mieux connue et que son aura de nouveauté a disparu, le défi d’en faire une interprétation qui ne soit pas simplement "ordinaire" est encore plus grand." Bref, une oeuvre, encore et toujours, à (re)découvrir!