Basia Bulat : Vague de chaleur
Basia Bulat, un secret encore bien gardé, vient nous servir son folk inspiré et chatoyant avant de retourner en studio. Front chaud en provenance de Toronto.
Ce qui surprend, lorsqu’on tient Basia Bulat à l’autre bout du fil, c’est l’enthousiasme pétillant qui chauffe la ligne, les vibrations de joie qui voyagent depuis Toronto. Plusieurs belles choses lui sont arrivées depuis la parution d’Oh, My Darling, à l’automne 2007. Le prestigieux label européen Rough Trade s’est entiché de son folk riche et senti, une ribambelle de concerts lui a permis d’apprivoiser la scène avec son groupe de musiciens-amis dans lequel son frère joue de la batterie… La voilà déjà prête à enregistrer un second effort: "Après le show que je donne à Montréal le 24, je vais rester deux ou trois semaines dans la ville pour commencer à travailler sur mon prochain album que, idéalement, je bouclerai d’ici le printemps. Je deviens toujours très créative quand je mets les pieds à Montréal, qui est comme une sorte de résidence de création pour moi. C’est peut-être aussi le fait de parler dans une autre langue qui me plonge dans cet état d’éveil très particulier…"
Pour ce deuxième album, Basia prévoit encore une fois travailler avec Howard Bilerman, réalisateur estimé basé à l’Hotel2Tango, un studio montréalais qu’il pilote avec deux membres de Godspeed You! Black Emperor. Arme pas si secrète, il est lié de près au succès de Funeral d’Arcade Fire et aux enregistrements de Bell Orchestre, Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra et The Dears, pour ne nommer qu’eux. "Ça se passe tout naturellement avec lui. On partage les mêmes idées sur la façon dont on veut que la musique sonne: c’est important pour moi de capter les vrais sons des instruments et de recréer l’énergie du live. Howard a toujours plein d’idées… Je le perçois un peu comme un magicien!"
Curieusement, l’étude des langues et de la littérature a mené Basia Bulat (un nom d’origine polonaise) à la musique: "Les membres de mon groupe ne sont pas issus de la scène indie-folk; ils ont un background en musique classique et se destinent plutôt à une carrière dans des orchestres. Je les ai rencontrés à l’Université de London (Ontario) tout à fait par hasard. J’étais au bon endroit au bon moment. Les musiciens finissent toujours par se repérer dans une foule. Ma mère est professeur de piano classique, poursuit-elle. Elle m’a montré beaucoup de choses, mais je n’avais pas envie de m’astreindre à la discipline que ça requiert (8-10 heures de pratique par jour)… J’aime écrire des chansons, jouer avec les mots; c’est pour ça que je suis allée étudier en langues et lettres. J’y ai appris à exprimer les sentiments humains sous de multiples formes…"
EN PERDRE LA VOIX
À l’écoute des chansons qu’elle a composées, on se dit que Basia Bulat a dû fréquenter assidûment Joni Mitchell et les premiers albums de Leonard Cohen. On pense aussi à ses contemporaines: Feist et Martha Wainwright, même un peu à Marissa Nadler et Krista L.L. Muir. Basia corrige le tir: "Je finis toujours par revenir à deux chanteuses: l’Afro-Américaine Odetta et la Sud-Africaine Miriam Makeba. Toutes deux sont décédées en 2008 et cela m’attriste énormément car je les considère un peu comme des fées-marraines." L’aplomb de ces deux grandes dames et toute l’âme qui passe dans leur voix sont effectivement contagieux. "Le vieux folk américain m’inspire (les parutions d’American Recordings en particulier), la famille Carter a influencé mon jeu d’autoharpe et j’aime bien Paul Simon."
Trois jours après avoir commencé à enregistrer Oh, My Darling, Basia Bulat a vécu quelque chose d’assez effrayant pour une chanteuse: elle a perdu la voix. "Le docteur m’a dit que si je tenais sérieusement à la retrouver, il fallait que j’évite de parler pendant deux semaines. C’est une expérience intéressante à travers laquelle j’ai fini par comprendre à quel point c’est difficile, en quelque sorte, de bien écouter. Ces deux semaines-là ont fait de moi une meilleure auditrice et amie. Et aussi, par conséquent, une meilleure musicienne parce qu’une bonne partie de la composition de la musique tient à la qualité d’écoute dont on fait preuve." Une histoire qui rappelle celle de Feist, qui a dû réapprendre à placer sa voix après s’être époumonée dans des bands punk… ce qui a donné le bel éclat feutré que l’on sait. "C’est fou combien le fait de franchir des étapes qui nous effraient peut faire avancer!"
À écouter si vous aimez / Krista L.L. Muir, Marissa Nadler, Joni Mitchell