Carl-Éric Hudon : La nausée pour les nuls
Carl-Éric Hudon revient avec un deuxième album plus musclé, plus pop, plus sophistiqué, fabriqué en compagnie de Navet Confit. Deux univers se fracassent.
Il est comme ça, Carl-Éric Hudon. Éternel étudiant rêveur et torturé, il cogite, s’emmêle dans ses pensées. Il faut l’entendre tenter d’expliquer le titre pour le moins farfelu de son nouvel opus: Contre le tien – Ananas bongo love. Il y évoque une blague entre son ex et lui, un souvenir du Gainsbourg percussions… Finalement, prenons ce titre pour ce qu’il est: une fantaisie qui laisse l’imagination se promener. Mettez-y ce que vous souhaitez.
Carl-Éric est un élève appliqué. Son nouvel album est orné d’une pochette qui s’inspire des Éditions de Minuit. Il y a mis une citation de La Nausée de Jean-Paul Sartre. Ses textes sont truffés d’ambulanciers et dessinent un univers suffocant, limite claustrophobique. Au téléphone, le jeune chanteur demande si on connaît les théories de Baudrillard. Bien sûr, ment le journaliste sans vergogne…"Probablement que ça ne paraît pas, mais il y a dans mon disque une espèce de critique du monde médiatique dans lequel on vit, cette idée de disparaître dans le média, dans l’écran, dans les journaux. Il y a de la solitude, mais aussi une présence fantôme", philosophe-t-il pendant qu’on écarquille les yeux de stupeur.
On semble quitter le terrain des infiniment belles et puissantes chansons écorchées du premier opus (Les Tempêtes que l’on avale, un des meilleurs CD de 2005). Cette fois-ci, Hudon a voulu s’éloigner de l’effet immédiat que produisait son folk. "En chanson, c’est le fun qu’il y ait plusieurs lignes de lecture. Musicalement, je voulais casser mes réflexes. Pour Les Tempêtes, j’y allais par instinct et par mimétisme de ce que j’appréciais. Cette fois-ci, dans certains morceaux, je me suis un peu tordu le bras pour prendre des directions qui ne m’étaient pas naturelles. Je voulais faire quelque chose qui ne me plaise pas nécessairement tout de suite. Que ça me plaise d’abord intellectuellement."
À ce moment-ci, il ne suffit pas d’ouvrir grand la bouche d’étonnement. Il faut également chercher à comprendre le raisonnement: "Je trouve qu’on est conditionné par la musique qu’on entend, il faut qu’un apprentissage se fasse. J’ai voulu monter d’une coche pour les arrangements." C’est ici qu’intervient Navet Confit, le réalisateur et hébergeur du CD sur La Confiserie. À écouter le nouvel Hudon, on est frappé par le choc entre le folk du chanteur et la pop planante du légume, entre la voix traînante de l’un et l’incision électrique de l’autre. Brutal affrontement artistique pour ces deux amis. "J’aime sa musique et son sens de l’organisation. Je voulais qu’il m’aide à maîtriser où j’allais, car mes maquettes étaient vraiment tout croches! Faire le ménage, finalement."
En parallèle, Carl-Éric Hudon mettait en ligne il y a quelques semaines un maxi gratuit, téléchargeable sur son site Internet. Cinq chansons, dont une seule figure sur la nouvelle galette. Ce sont les exclues, les pas-finies, celles qu’on pourra entendre sur scène.
Carl-Éric Hudon
Contre le tien – Ananas bongo love
(Les disques fruit / La Confiserie)
En magasin le 27 janvier
À écouter si vous aimez /
Dumas, Navet Confit, Le Husky