Pierre Lapointe : Qu'est-ce qu'elle a ma gueule?
Musique

Pierre Lapointe : Qu’est-ce qu’elle a ma gueule?

Pierre Lapointe se métamorphose à nouveau et nous présente pour la dernière fois l’un des projets les plus étranges de sa carrière.

Il ne manque pas d’audace lorsqu’il est question de se réinventer, et chaque fois l’exercice semble attirer les foules. Lorsque Pierre Lapointe a présenté son nouveau spectacle intitulé Mutantès dans le cadre des FrancoFolies de Montréal l’été dernier, l’attention générale s’est concentrée sur l’enfant prodige de la chanson francophone. Ce fut le talk of the town, pour citer les tables rondes de hockey.

Ce spectacle d’envergure, multidisciplinaire et insolite, a cassé l’image de l’artiste pop de La Forêt des mal-aimés qui manie les éléments kitch avec flair. N’est-ce pas le propre des artistes d’avant-garde de redéfinir les standards qui sont tenus pour acquis? Le chanteur a pris sur ses épaules une machine imposante et s’est amusé au jeu de la création au pluriel: musique, théâtre, danse et arts visuels. Après quatre représentations offertes à guichets fermés, il reprend les rênes de cet opéra rock qui fait écho à Tommy (The Who) et Ziggy Stardust (David Bowie).

"Quand tu sors d’un événement comme ça, ce n’est pas une overdose d’adrénaline qui t’arrive dans le corps, c’est de la dopamine, se souvient-il. Tu tombes en sevrage. À ce moment-là, je voulais tout changer, tout jeter à la poubelle, pour recommencer à neuf. Ensuite, j’ai descendu de mon trip et je me suis donné une pause, question d’être raisonnable… Après quelques semaines, j’ai repensé à tout ça et je me suis rendu compte que ce que je voulais dans le fond, c’était faire un tout nouveau spectacle. Par la suite, en discutant avec Claude Poissant (le metteur en scène de Mutantès), j’ai décidé de conserver l’ensemble dans sa version intégrale et de le laisser vivre. Intact. Pour un temps limité."

C’est avec la pression dans le tapis que l’artiste s’est lancé sur scène avec ce projet. Une production imposante où les arts se croisent à l’intérieur du véhicule de la pop. Difficile de dire s’il y a une histoire bien définie. Pierre Lapointe y incarne en effet un mutant, mais les tableaux qui accompagnent les nouvelles chansons semblent devenir des cellules indépendantes qui se suivent.

"C’est le filon que j’ai découvert en travaillant sur le disque La Forêt des mal-aimés, avoue-t-il. Celui qui te permet de suggérer quelque chose de tellement fort que les gens n’ont pas le choix de le recevoir. Je n’impose rien, je ne fais que diriger l’attention. Ils vont voir une histoire apparaître, mais cette histoire est totalement subjective. Pour La Forêt des mal-aimés, c’est ce que j’ai travaillé. Je voulais, avant même que la première note ne soit jouée, qu’un univers bien précis se dévoile."

Difficile de connaître les intentions futures de l’auteur-compositeur-interprète. En ce moment, celui qui a déjà écrit son prochain disque (qui sortira en avril) se concentre sur cette métamorphose. "Il y a une fierté lorsqu’on dit: Je l’ai fait! Même si ça sort tout croche, au moins tu peux te dire que tu l’as essayé, tabarnack! Il y en a qui trouvent une formule et qui restent assis dessus parce que la recette fonctionne. Moi, la recette que l’on doit suivre, je m’en sacre! Un jour, je vais me casser la gueule… Pour l’instant, je suis chanceux. La dernière fois où j’étais sûr que ça allait m’arriver, c’était pour le disque La Forêt des mal-aimés…"

À écouter si vous aimez/
Albin de la Simone, M et David Bowie