Malajube : Le fil d’Ariane
Malajube termine une année de repos au cours de laquelle le quatuor a produit son troisième album, Labyrinthes, en plus de voir son chanteur et guitariste Julien Mineau s’exiler à Sainte-Ursule, où Voir l’a rencontré.
Assis dans un grand salon blanc dans sa maison de style victorien où il demeure depuis maintenant un an et demi, Julien Mineau, chanteur et guitariste de Malajube, discute de tout et de rien: de sa passion pour les vieux Wurlitzer qu’il achète sur eBay et restaure; des jarretelles qu’il a trouvées dans le grenier; et de son horloge biologique déréglée qui le force à se lever tôt depuis une tournée au Japon. "J’ai déjà lu des articles où on prédisait que j’allais mourir jeune ou que je finirais dans un hôpital psychiatrique. Je suis pas mal plus sage que le monde peut le croire. C’est la même chose pour les autres membres du groupe."
Mathieu Cournoyer (basse), Thomas Augustin (claviers) et Francis Mineau (batterie) ont parcouru plus d’une fois la centaine de kilomètres qui sépare Montréal de Sainte-Ursule. En plus de s’y rendre pour enregistrer une partie de Labyrinthes au mois de septembre 2008, les trois musiciens y ont rejoint Julien plus tôt dans l’année pour finaliser les 10 chansons immortalisées sur le troisième gravé de Malajube. "On savait qu’on voulait un album plus cru. Même si j’ai composé plusieurs pièces au Wurlitzer, la guitare a vite repris le dessus. On voulait s’éloigner de Trompe-l’oeil, alors on est parti dans tous les sens. C’est pour ça que le disque se nomme Labyrinthes."
Plus exploratoire que pop, le disque ne renferme pas de petite bombe accrocheuse. Sombre, à l’image de sa pochette violette, Labyrinthes n’est peut-être pas le compact qui ravira les fans conquis par l’entrain de Montréal -40 °C. Julien en est conscient. "À date, on a été chanceux. Tout le monde aime notre musique, mais là ça risque de changer. La loi de la moyenne va nous rattraper."
LA VIE ET AUTRES HISTOIRES URSULOISES
Si la musique se compose à quatre, les textes de Malajube sont tous signés Julien Mineau, à l’exception de Dragon de glace, coécrit par le chanteur et sa copine Virginie Parr. Ouvertes aux multiples interprétations, les paroles du compact prennent tout leur sens lorsque l’auteur les décrypte sans pudeur. "Quand tu regardes entre mes doigts / Quand tu regardes, mon amour se vide de tout son sang", chante-t-il dans Casablanca. "Je fais référence à un concert qu’on a donné en Espagne juste après avoir appris que Virginie avait fait une fausse couche. Pendant que les spectateurs scrutaient mes doigts pour découvrir les accords de nos chansons, ma blonde vivait des moments atroces sans que je puisse l’aider. Disons que j’ai pas donné un ben bon show. On devait même porter le linge d’un commanditaire ce soir-là, mais je voulais rien savoir. J’ai juste mis les souliers parce que je souhaitais les garder après."
Sur une note plus joyeuse, le texte d’Hérésie prend la forme d’un pied de nez à la société moderne lorsque Julien entonne: "Chacun joue son rôle / Je suis là pour détruire mon corps". "Aujourd’hui, chacun fait sa part pour sauver la planète ou pour joindre les deux bouts. Pendant ce temps, je suis payé pour composer de la musique weird et fumer des joints. C’est pas sérieux comme boulot. Depuis qu’il a appris que je jouais dans un groupe pour gagner ma vie, le boulanger du coin m’offre une job chaque fois que je le visite. "T’es sûr que tu ne veux pas venir travailler avec moi? Faire de la musique, c’est pas un vrai travail." Il a un peu raison, mais je ne pense pas mettre la main à la pâte de sitôt."
Malajube
Labyrinthes
(Dare To Care/Select)