Roberto Cipelli : Léo, reviens!
Le pianiste Roberto Cipelli nous livre sa passion pour Léo Ferré. Un Ferré dont les mots se marient au jazz.
Le projet était ambitieux. Faire l’adaptation de l’oeuvre de Léo Ferré en jazz est un défi intimidant, et l’exercice risque d’être périlleux. C’est que cet artiste légendaire a su se métamorphoser plusieurs fois au cours de sa carrière, et l’intransigeance du personnage semble encore teinter son oeuvre d’une aura particulière depuis sa disparition. Qui s’y frotte s’y pique.
Le pianiste Roberto Cipelli semble avoir bien apprivoisé cette dimension, tout en prenant le temps de cultiver et de mettre en chantier une passion qu’il voulait assouvir. En compagnie de ses amis musiciens Paolo Fresu (trompette), Philippe Garcia (batterie), Attilio Zanchi (contrebasse) et du chanteur Gianmaria Testa, il se retrouve maintenant devant un fait accompli avec le disque F. à Léo. Une réalisation qui a fait l’unanimité. L’entreprise ne fut pourtant pas si facile au début lorsque Cipelli a proposé cette idée à ses collègues.
"Non! Ils m’ont dit un non catégorique, souligne-t-il en riant. Premièrement parce que Gianmaria était effrayé de chanter en français. Mais il approuvait l’idée et le matériel qui avait été choisi. La réaction de Paolo était différente. Il trouvait que la musique de Léo Ferré était très difficile et il ne voyait pas comment nous pourrions adapter ce répertoire pour le quintette. Il fallait s’approprier cette musique et en faire des chansons jazz! Ça m’a pris du temps pour les convaincre, et beaucoup de travail aussi. Finalement, ce qui a été déterminant, ce sont les conversations autour de la table. Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir sur ce projet dans de très bons restaurants italiens! Et je leur dis merci!"
C’est en 2001 que cet hommage a vu le jour dans l’esprit du pianiste, et maints changements sont survenus depuis, jusqu’au concert qui a été immortalisé sur disque, il y a deux ans. "C’était très difficile, se rappelle-t-il. Nous avons choisi beaucoup de chansons! Le résultat final nous a donné un juste équilibre, dans les textes et la musique. J’ai le sentiment que sa poésie est bien vivante dans notre musique. Je crois que l’ajout du poème Art poétique de Paul Verlaine, que récite Gianmaria, représente bien l’exercice que nous avons accompli. Léo Ferré lui-même a voué un immense respect à des poètes tels que Rimbaud, Verlaine et Baudelaire. Chez lui, on peut reconnaître que la poésie était très importante et plus forte que tout. C’est la pierre angulaire qui a déterminé notre travail et notre vision."
Avec cette esthétique qui leur est propre et qui s’est forgée depuis plus de 25 années d’activité musicale, les virtuoses de l’école italienne jazz ont su donner ses lettres de noblesse au grand poète, qui s’était réfugié en Italie à la fin de sa vie. "L’oeuvre de Léo Ferré possède plusieurs facettes qui peuvent s’observer de manière indépendante, remarque-t-il. Vous avez le poète, vous avez l’artiste qui s’engage politiquement et vous avez Ferré le compositeur de musique classique. Ce que nous avons choisi de représenter, c’est le poète."
À écouter si vous aimez /
Le Ferré des premières années, le lyrisme de Fresu et la voix de Testa