Langue de chemise : Cours de grammaire
La formation gatinoise Langue de chemise délie son organe charnu et dévoile Faut que j’me conjugue, un premier album aussi bavard que rythmé. Entretien avec le gosier du quatuor, Steven Boivin.
Formé fin 2006 par la rencontre entre le chanteur-guitariste Steven Boivin (ex-Shlëge) et le bassiste Nicolas Lessard, Langue de chemise a mis seulement un an à se démarquer, autant au concours Gatineau prend la scène (lauréat 2008) qu’à la première édition du Festival de l’Outaouais émergent, en passant par les premières parties des Nanette Workman et Michel Pagliaro… Complété par Philippe Pilon à la basse, Benjamin Gravelle à la batterie, Daniel Demay au piano et violoncelle et Mark Leclerc au saxophone, le groupe présente une première carte de visite de huit pistes, rendue possible grâce à une bourse de Tag Radio X (RNC Media) et aux poches des musiciens – "aussi petites soient-elles". Le réalisateur Jérôme Boisvert (Les Trois Accords, André, eXterio) a invité la troupe à enregistrer son premier microsillon dans son studio de Drummondville et l’affaire était ketchup! "Langue de chemise a eu un effet boule de neige assez surprenant. Tout allait si bien que ça m’a fait peur au début, mais j’ai pris Gatineau prend la scène comme un indice pour continuer ou non. Ç’a été on ne peut plus clair!" affirme le chanteur Steven Boivin, qui signe tous les textes.
Fortement influencé dans son écriture par Polémil Bazar, Leloup, mais aussi par des paroliers français (Renaud en tête), Steven Boivin a su se laisser guider par l’apport de chaque musicien pour créer un style hybride mêlant folk, rock mais aussi funk et grooves dansants. "À nos débuts, Nicolas et moi – fans finis de Tower of Power et des Colocs -, on cherchait un saxophone. On a été très chanceux de trouver Bernard [Cloutier, saxophone sur l’album], qui cumule 40 ans d’expérience et qui s’est beaucoup investi dans le groupe. Il nous a beaucoup appris sur la façon de bien intégrer les cuivres."
Expliquant une énième fois le nom du groupe – "la langue de chemise comme ce bout de tissu qui divise les hommes" -, le chanteur constate que le groupe n’adhère pas plus à la cravate qu’aux groupes mythiques l’ayant portée. "Je comprends l’ampleur d’un groupe comme les Beatles, mais étant né en 1985, j’ai plutôt écouté les Green Day, Bush X, Cranberries et ensuite Leloup…"
"J’ai beaucoup de difficulté avec la mentalité de réussite liée au symbole de la cravate, renchérit-il. Je souhaitais l’honorer ironiquement. Il y a ceux qui la portent et ceux qui ne la portent pas." Cette approche qui met la cravate au rancart renvoie aux thèmes abordés sur l’album. "Ça traite de l’Homme avec un grand H dans son quotidien, sa routine de vie, dans la société. Le train-train qui nous gare évoque le train qui nous fait avancer, mais au fond, on revient toujours au même point, à la même gare. On tourne en rond", rapporte celui qui a commencé à écrire, gamin, pour "séduire les filles".
"Je n’ai pas été influencé par les grands poètes, ou très peu. J’ai plutôt été attiré par l’amour des mots, par le jeu. Pour moi, écrire, c’est un jeu. Je m’amuse à jouer avec la langue française, avec toutes ses facettes, ses qualités et ses défauts." La pièce Faut que j’me conjugue y fait d’ailleurs écho en abordant notre rapport conflictuel au temps. "Je refuse de parler du soleil et des étoiles. Une seule pièce parle d’amour sur l’album et ça me suffit. Ça me blesse d’entendre ces groupes qui monopolisent les ondes radio avec si peu de substance. C’est difficile écrire un bon texte, mais moi je fais le pari de m’investir à fond", souffle ce passionné de la scène qui a pour gagne-pain l’animation dans les mariages et comme DJ. "La seule chose qui manque au spectacle, ce sont des feux d’artifice pour que ce soit complet! Le spectacle est haut en couleur! Et c’est ce qui nous définit: une matière divertissante qui est en même temps assez réfléchie."
À écouter si vous aimez / Polémil Bazar, Tryo, Vilain Pingouin