Le Roi Poisson : Nouvelle monarchie
Avec son premier album, Le Roi Poisson émerge à la surface du rock québécois et surfe jusqu’à nous sur des vagues sonores de vieux synthétiseurs.
À l’autre bout du fil, le Sherbrookois Jérôme Dupuis-Cloutier mord à l’hameçon afin de nous en dire un peu sur Le Roi Poisson. Formé il y a de cela trois ans dans les corridors d’une école de musique montréalaise, ce groupe a réuni cinq variétés de poissons bien frais et ayant le goût de faire du rock francophone: Oli Flétan (batterie), P-A Brochet (guitare, basse), J-V Truite (clavier, guitare), Jo Barbotte (basse, guitare, clavier) et notre interlocuteur, Jérô Macro (voix, clavier, trompette).
Pourquoi s’affubler de tels sobriquets? "C’est pour donner l’impression qu’on forme une secte, rigole Jérôme, heureux d’avoir opté pour la chair de maquereau. Il y a juste J-V Truite qui n’a pas choisi son surnom lui-même." C’est toutefois ce spécimen qui a trouvé le nom que porterait toute la bande. "Il a sorti ça de même. Il était avec des amis dans un restaurant asiatique dans lequel il y avait un aquarium avec un gros poisson. Ils l’avaient nommé le roi poisson." Cette anecdote a donc pris la forme d’un tout nouveau règne musical.
SHOW DE VARIÉTÉS
Selon Dupuis-Cloutier (qu’on connaît également comme meneur de la barque de la formation Le Citoyen), la musique du Roi Poisson est une affaire de compromis, car tous ses membres composent. Quoique stimulant, ce foisonnement créatif aurait pu mener le groupe à sa perte, mais ce fut loin d’être le cas. En 2008, il pondait une courte galette intitulée simplement EP #1. "Choisir les quatre tounes du EP nous a permis d’établir une certaine direction, explique Jérôme. On s’est trouvé un son de band. C’est du rock dense et énergique. Il y a gros du stock. C’est une musique avec beaucoup de riffs… c’est n’importe quoi dans le fond." Comme s’il fallait en dire davantage, Jérôme demande à son colocataire de lui résumer ce qu’est Le Roi Poisson: "C’est un audacieux show de variétés", dixit le coloc. Hilare, Jérôme acquiesce.
En raison de l’utilisation de ses claviers, la formation fut maintes fois qualifiée de progressive. "Oui, ça fait partie de notre son, approuve le chanteur. On m’a souvent dit que ça pouvait faire penser à Octobre ou à d’autres vieux bands progressifs québécois. Moi, je prends ça très positivement." Il n’est pas le seul, car Le Roi Poisson a charmé plusieurs mélomanes, dont certains de la maison de disques Dare to Care, qui s’occupe aujourd’hui du booking du groupe.
C’est donc avec assurance que la formation est retournée en studio au début de 2009 pour enregistrer un premier album éponyme, lancé cette semaine. C’est le frère de Jérôme, Étienne Dupuis-Cloutier (Half Baked), qui s’est chargé de la réalisation. "On a conservé l’environnement éclaté du EP, mais cette fois, c’était davantage réfléchi", avoue le maquereau.
BANC DE POISSONS
Les textes des chansons du Roi Poisson, c’est aussi une affaire de groupe; ils sont plusieurs à mettre l’épaule à la roue. "On ne veut pas de trucs très personnels, nous dit Jérôme. Ce n’est pas un projet d’auteur-compositeur-interprète. C’est donc souvent léger; on peut parler d’un croque-mort, d’un chien galeux, d’un robot…"
Pourtant, à l’écoute de la chanson Le Con, qu’on trouve sur le nouvel opus ("Amène-moi dans ton pays, le mien veut pas exister"), il est légitime de croire que sous des allures nonchalantes se cache un groupe engagé. On retrouvait également cet esprit sur les chansons Premier Rang et Ouvrier du EP #1. "Ce sont des clins d’oeil, précise Jérôme. Je ne sais pas si on est un band engagé, mais ce qui est dit dans les chansons est assumé par tout le monde." Ainsi, les poissons ne sont peut-être pas engagés, mais ils sont solidaires.
À écouter si vous aimez /
Malajube, Fred Fortin, Octobre