Karen Young : Un monde idéal
Musique

Karen Young : Un monde idéal

Karen Young se réinvente en compagnie d’Éric Auclair dans un projet ambitieux qui est maintenant immortalisé sur disque.

Le titre est évocateur et souligne le tempérament d’une collaboration qui s’est échafaudée au cours des quatre dernières années sur scène. Ce disque intitulé Electro-Beatniks réunit la chanteuse Karen Young et le bassiste Éric Auclair dans un concept engagé, où cette voix, qui se reconnaît entre mille, endosse un discours politique. À tel point que l’interprète s’est demandé si son propos idéaliste était encore d’actualité. "J’avais peur! Je voyais le temps passer et on a même projeté de faire un lancement l’automne prochain… C’était beaucoup trop tard pour moi! J’ai dit: "On ne peut pas! Obama vient de gagner! Il faut le lancer maintenant!""

Chose faite. Sur ce disque, les ambiances musicales d’Auclair accompagnent les mots de Young, mais aussi la poésie de Wilfrid Owen, qui fut témoin de la Première Guerre mondiale. "Le texte d’Owen, Last Laugh, est représentatif de l’idée de départ de ce projet, indique-t-elle. Quelque chose de punché, moitié chanté et moitié spoken word. C’est après qu’Éric m’a dit qu’il voulait mes poèmes! Je n’ai pas eu le choix, j’ai ressorti mes vieux cahiers de poésie. La musique d’Éric, c’est une atmosphère. Pour chacune des pièces, j’ai pris soin de choisir les mots justes. C’est difficile de commencer à travailler avec une nouvelle personne. Il faut apprendre à se connaître tout en restant soi-même. Et puis, avec le temps, tout devient plus simple. Au départ, je travaillais à partir de ses musiques. Par la suite, j’étais en mesure d’arriver avec un poème déjà complété, et la musique s’y ajoutait. Tout est naturel maintenant, à un point tel qu’on parle déjà de notre deuxième disque!"

Le résultat contraste avec le travail de l’interprète qui, ces dernières années, nous a offert une lecture bien personnelle de la musique médiévale avec l’album Canticum Canticorum. Mais l’actualité aura finalement interpellé la musicienne. "En 2004, alors que George Bush remportait sa deuxième élection, on était vraiment down, se rappelle-t-elle en riant. Difficile d’être plus down que ça! Alors j’ai décidé que c’était le temps d’exprimer cette déception. Mais trois ans plus tard, je suis devenue grand-mère! Coral a eu son enfant. Tout à coup, l’espoir est devenu très important. C’était un sentiment partagé entre la colère et le beau! Ce n’est pas tout d’être fâché, c’est quand même en gardant l’espoir qu’on peut changer les choses. Il fallait penser à l’avenir."

Ce qui aurait pu être un concept musical avant-gardiste et actuel s’est alors nuancé, laissant place à des échantillonnages subtils et à des arrangements épurés. "Je pense que le travail d’Éric sur mon album l’a influencé. À force de jouer cette musique médiévale, très modale et parfois même influencée par l’Orient, ses compositions sont devenues plus aériennes. Je réécoute notre disque et je me rends compte que c’est très ballad."

À écouter si vous aimez /
Joni Mitchell, Coral Egan et Daniel Lanois