Mathieu Lippé : Le souffleur de vers
L’heure de la récolte a sonné pour Mathieu Lippé. Ce touche-à-tout a beau à la fois conter, slamer et chantonner, son art est mûr et il nous le sert avec panache.
À 32 ans, Mathieu Lippé se sent en confiance. Le volubile personnage semble avoir atteint un important palier de sa carrière artistique, qu’il mène sur plusieurs fronts: le conte, le slam et la chanson. Porté par un bouche à oreille viral, il a su faire sa niche dans le coeur des amoureux de la parole, et ce, un peu partout dans la francophonie. "Ce que j’offre, ça demeure des arts de proximité, précise-t-il. Il y a des gens qui viennent me voir en spectacle et qui me disent: "J’entendais parler de toi. Je ne savais pas qui tu étais, mais là, je le sais."" Et ils répandent la bonne nouvelle à leur tour.
La patience était de mise pour Lippé. "Comme je ratisse large, c’est plus lent, mais ce rythme me convient. Tu ne peux pas tirer sur la plante pour qu’elle pousse plus vite." L’artiste a donc utilisé ce temps pour se définir, trouver sa forme, et ainsi, prendre racine. "C’est un métier où les vents sont forts. Un jour, t’es le roi, et le lendemain, t’es un moins que rien."
Mais les vents ne tourneront pas de sitôt pour Mathieu Lippé, car en ce moment, les étoiles s’alignent pour ce troubadour au don d’ubiquité. "Pour se faire un nom de nos jours, il faut des particularités. Moi, ce que j’ai, c’est une polyvalence. Ce qui est bien, c’est que mes trois formes d’art se retrouvent assez avancées pour être chacune reconnue dans sa sphère respective."
2009 s’annonce grandiose pour l’artiste. Ce printemps, il ira à Paris pour représenter le Québec lors de la Coupe du monde de poésie, et l’automne prochain, il est invité au Liban pour participer au volet culturel des Jeux de la Francophonie. "C’est un peu mon année sportive", blague-t-il.
TRIANGULATION ARTISTIQUE
Sherbrooke occupe une place de choix dans le coeur de cet originaire du Bas-du-Fleuve, aujourd’hui Montréalais. "C’est Sherbrooke qui m’a vu naître artistiquement", proclame Lippé, qui fut dans les Cantons-de-l’Est le temps de ses études en littérature. À l’époque, il faisait flèche de tout bois lors des soirées de poésie aux Beaux Dimanches, où il chantait ses textes. "Je me suis rendu compte qu’entre chaque chanson, je parlais beaucoup. (rires)" Cela l’amena à monter en 2000 un premier spectacle de conte où s’entremêlaient poésie et chant. "L’essence était là. Dans le conte, tu as l’imaginaire qui par la parole se trouve à être semé dans la réalité et qui ouvre les horizons du possible."
C’est avec le conte que la reconnaissance du milieu est venue en tout premier. Son talent pour raconter et émouvoir lui a permis de voyager et de participer à moult festivals dans la francophonie.
En 2007, c’est l’auteur-compositeur-interprète qui a pris les devants le temps de Là où le coeur mène, un album influencé par les musiques du monde et rythmé par des textes truculents. "On aime encore la chanson au Québec, mais étrangement, la présence du texte a diminué. De nos jours, on fait jouer un disque et on fait autre chose que de l’écouter", déplore l’artiste. Heureusement pour lui, les paroles de ses chansons ont su se rendre jusqu’aux bonnes oreilles et ce fut une autre ribambelle d’événements qu’il a pu visiter avec sa guitare au cou.
Quant au slam, Mathieu Lippé a su être là au bon moment pour en faire une nouvelle corde à son arc. "J’étais prêt. J’avais plein de textes prêts à être slamés", explique celui qu’on a entre autres pu voir à l’oeuvre lors d’une publicité d’ARTV.
Pour lui, ce parcours tridimensionnel est chargé de sens et constitue sa voie. "Quand j’ai vu Gilles Vigneault en spectacle, c’était ça. Il fait une chanson, un conte, un slam… ben, c’est une poésie faite à sa manière. Même chose pour Julos Beaucarne." Désormais, ce style est également libellé à la Lippé.
À écouter si vous aimez /
Gilles Vigneault, Julos Beaucarne, Ivy