Animal Collective : Danser dans le noir
Musique

Animal Collective : Danser dans le noir

En janvier dernier, Animal Collective lançait Merriweather Post Pavilion, un album que plusieurs critiques voient déjà dans leur best of de fin d’année. Entretien avec un groupe qui cultive l’art de se réinventer.

Dès sa création au tournant du millénaire, la formation new-yorkaise Animal Collective est arrivée avec un son distinctif, qui n’a cessé de révéler ses multiples facettes d’un album à l’autre. Il est plutôt rare qu’un groupe soit qualifié à la fois de pop et d’expérimental… "J’imagine que c’est dû au fait que nous sommes allumés par des genres musicaux très diversifiés, propose Noah Lennox, alias Panda Bear. Quand on mélange tout ce qu’on a absorbé, ça donne ce patchwork étrange qui peut difficilement être rattaché à un genre précis. Ça nous nuit sûrement un peu, d’ailleurs. Certains auditeurs ne savent pas comment se situer face à notre musique."

Merriweather Post Pavilion est un fascinant album d’indie rock spiral, tribal et scintillant. Par moments, on flotte dans une poche de liquide amniotique (Daily Routine), ailleurs, les rythmes tribaux tiennent le haut du pavé (Lion in a Coma, Brother Sport); d’autres pièces rendent l’auditeur fébrile (Summertime Clothes). Résultat d’expérimentations en studio ou concrétisation d’idées définies? "On avait quelques éléments en tête au départ: les basses par exemple, pas seulement l’instrument en tant que tel, mais aussi les basses fréquences. On recherchait un son qui puisse se déployer dans un vaste espace extérieur, d’où le titre." Merriweather Post Pavilion est un grand stade de Baltimore, du genre du parc Jean-Drapeau, qui accueille des artistes populaires. David Porter (Avey Tare) et Josh Dibb (Deakin) y ont vu jouer Depeche Mode, Nine Inch Nails, les Black Crowes et… Elton John.

D’enjôleuses harmonies vocales traversent tout l’album. "On voulait des voix en transe et flottantes plutôt que directes. La musique classique et les ballets nous ont aussi beaucoup influencés." Ballets? "Oui! Ce n’est peut-être pas toujours si apparent sur l’album, mais ça fait partie des fondations de mon vocabulaire musical. Ma mère vient du milieu de la danse, et ça jouait en permanence chez moi; c’est imprimé dans mon cerveau."

Cela se ressent dans la structure des chansons, déclinées en mouvements: "Dans nos pièces, il y a une trajectoire, c’est presque un périple, avec un début, un milieu et une fin. On parcourt des vallées, on se rend au sommet d’une montagne…" rêvasse Noah en direct de Lisbonne, où il réside depuis cinq ans après un double coup de foudre, pour l’endroit lui-même et une de ses habitantes.

"Le gros du travail s’effectue quand le groupe est réuni mais, chacun de son côté, on développe des sons préparatoires, on jette les premières lignes des textes, on produit des esquisses qu’on s’envoie par Internet. Le fait qu’on se connaît depuis 12, 13 ans rend l’affaire possible. Une fois réunis, on travaille vite et efficacement."

Visiblement, Animal Collective a les reins solides: Josh Dibb – dont le père est décédé récemment – n’a pas participé à la création de l’album et ne sera pas en tournée avec le groupe. "Dépendamment de qui joue, ça influence beaucoup notre son, la vibe n’est pas la même. Josh est le principal guitariste… On s’en allait déjà dans cette direction (moins de guitares, plus d’éléments électroniques), mais le fait qu’il n’ait pas été là pendant la conception de l’album nous a laissé le champ libre pour s’y aventurer."

Noah perçoit l’évolution du groupe comme une suite de cycles, "sinon de cercles. On oscille entre deux pôles: le tangible et l’ésotérique. Je sens aussi qu’on est beaucoup plus solide au plan vocal. C’est le métier qui est rentré. On expérimente sur cet aspect, et la voix a pris plus de place qu’à nos débuts."

On est très curieux de voir comment le trio arrivera à reproduire en concert un son aussi vaste et chatoyant. D’ailleurs, Animal Collective a l’habitude de jouer sur scène des chansons inconnues du public, qui se retrouvent sur l’album suivant. En ira-t-il encore ainsi cette fois? "Comme on a seulement passé un an à jouer les chansons avant d’aller les enregistrer en studio (et non pas deux ans et demi comme pour l’album précédent), elles ont encore de l’espace pour se développer. Mais je sens qu’on approche de la fin d’un cycle…" Un mélomane averti en vaut deux!

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