Junior Boys : Caprices en technicolor
Avec son troisième album, le duo électro-dance canadien Junior Boys opte pour la carte de l’audace. Quitte à s’aliéner quelques fans au passage.
Pendant le processus créatif entourant Begone Dull Care, Junior Boys (Jeremy Greenspan et Johnny Dark, tous deux de Hamilton, Ontario) n’a pas pensé plus qu’il faut à ce que son public attendait de lui. Pas plus qu’il n’a porté attention à ce que la presse penserait de ses huit titres tous moins immédiats et dansables, quoique assurément plus introspectifs et chaleureux, que ce qu’on retrouvait sur le précédent So This Is Goodbye.
Les spéculations, Jeremy Greenspan, cerveau créateur de Junior Boys, n’en a que faire. "En ce qui concerne l’album, nous suivions nos instincts. Nous savions qu’il allait diviser, puisque les pièces étaient plus longues, les intentions plus subtiles, moins "in your face". La réponse qui a suivi m’a semblé plutôt amusante: on adore ou on déteste", mentionne-t-il en riant. Et peu importe le camp choisi, il reste campé sur ses positions. "Les critiques nous ont reproché notre approche anti-climatique et l’absence de refrains accrocheurs. Nous nous sommes pourtant éloignés de la structure pop de façon délibérée. Nous voulions de la musique qui se laisse découvrir écoute après écoute, contrairement à la tendance des dernières années", affirme Greenspan en faisant référence à ses débuts sur la scène dance ontarienne.
"Quand je me suis initié à la musique dance, la notion d’ambiance primait d’abord et avant tout. La création de sons évoluant sur une longue période était permise. Tout le monde se foutait de ce dont le DJ avait l’air, de ce qu’on portait sur le plancher de danse, tandis que maintenant, la superficialité règne et je crois que c’est ce qui mine la création musicale."
Peut-être est-ce par souci d’iconoclasme musical que Greenspan a puisé son inspiration dans l’oeuvre du réalisateur canadien Norman McLaren, considéré par ses pairs comme un maître en animation. "L’album est en quelque sorte un hommage à ce grand homme. J’adore son oeuvre et j’apprécie le fait que la fin n’a jamais justifié les moyens pour McLaren. J’ai toujours pensé que nous avions une quelconque connexion artistique puisque la technologie n’a jamais été une béquille pour lui", relève le musicien, qui a d’ailleurs emprunté le titre du nouvel opus au chef-d’oeuvre d’animation abstraite que McLaren a réalisé en 1949. "À la base, l’expérimentation lui procurait du plaisir; ensuite, il se rendait compte qu’il venait de créer quelque chose de grand. C’est cette façon de faire que j’admire le plus chez les artistes en général", conclut Greenspan.
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