Numéro# : Le numéro gagnant
Musique

Numéro# : Le numéro gagnant

Avec Sport de combat, le duo électro-fluo Numéro# est de retour pour un 2e round. Petite histoire d’un drôle d’équilibre trouvé entre l’ironie, la pop et l’angoisse.

Cet après-midi-là dans un café-bar branchouille de Montréal, l’air est moite et surchauffé. Il a commencé à pleuvoir dehors et on croirait que tous les passants du boulevard Saint-Laurent se sont réfugiés ici. Il n’y a pas que des visages anonymes ici. Une chaîne radio enregistre des capsules et les gars de Numéro# ont la caméra braquée sur eux. Délicieuse ironie du sort pour un groupe qui raillait la société du spectacle sur un premier effort paru il y a trois ans.

À l’automne 2006, plusieurs ont été contaminés par la pop narquoise signée Numéro#. Avec L’Idéologie des stars, le duo proposait un album articulé autour de la société du spectacle. "On a joué le jeu, on a embarqué à fond dans la mise en scène, dit Jérôme Rocipon. Des gens ont pris ça au premier degré malheureusement, mais d’autres ont compris qu’il s’agissait d’un concept qui venait avec ses codes et son langage."

En trois années comprimées, on a vu Numéro# passer des petites salles crasseuses au tapis rouge de l’ADISQ où il a récolté un Félix pour le meilleur album électronique de l’année 2007. Le milieu dépeint sur L’Idéologie des stars s’est-il avéré aussi creux et superficiel que le duo montréalais l’imaginait avant d’aller s’y vautrer? "C’est sûr que ma vision n’est pas objective, admet Jérôme, mais je trouve que c’est un peu comme un milieu de coiffeuses. Il y a beaucoup de gens avec des comportements d’ados mégalomanes." "Mais on a été choyés, continue-t-il, je ne m’attendais pas à ce que les médias embarquent. Si j’avais vu Numéro# éclore de l’extérieur, je pense que j’aurais aussi fait partie des haters…"

EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE

De retour pour un 2e round, Numéro# a changé de formule. Mis à part quelques exceptions, on ne peut pas dire que les deux Montréalais aient balancé dans le camp de la pop. "On s’est donné comme discipline de faire de la musique comme on en faisait au tout début." "L’Idéologie, c’est un album écrit par Jérôme et remixé par moi, précise Pierre Crube. Sur Sport de combat, c’est 50-50. J’avais besoin de cette liberté, je ne voulais pas être pris dans un format."

Oubliez l’écriture-slogan de L’Idéologie. Les textes sont plus elliptiques et évasifs, des actes violents et des accidents tragiques surviennent au tournant des chansons, desquelles transpire l’angoisse. Dans Faux Tempo, écrite à bord d’un TGV, un mec se rend chez une fille qu’il aime en secret mais le train déraille. Couleurs fait une référence timide et bien camouflée à la crise de la trentaine (Jérôme a 31 ans, Pierre, 26). H.O.N.N.E.U.R. met en scène un père de famille qui pète les plombs…

"Pour moi, la grande différence sur cet album, c’est qu’on n’est plus dans l’ironie, observe Pierre. Et puis j’ai essayé très fort d’oublier le concept de hype, de revenir presque à une période pré-Internet … C’est plus dur que ça en a l’air. Mais essentiel pour se renouveler. Ça m’a fait du bien, ce recul."

À écouter si vous aimez /
Chromeo, Sébastien Tellier, TTC