David Gately : L’amère mort
C’est le metteur en scène américain chevronné David Gately qui a façonné la dernière production de la saison de l’Opéra de Montréal. Au programme: mariage forcé et folie meurtrière…
Je rencontre un David Gately qui s’avoue un peu fatigué en ce lundi midi, alors qu’il arrive du festival de Fort Worth (Texas) où étaient présentées en l’espace d’une semaine ses mises en scène de La Cenerentola de Rossini et de Dead Man Walking de Jake Heggie. Pas vraiment étonnant, de la part d’un homme qui travaille régulièrement sur 6 à 10 opéras par année… Et pas étonnant non plus qu’à ce rythme, son cv donne l’impression qu’il les a tous faits! Il éclate de rire à cette remarque: "Je suis beaucoup plus vieux que vous le croyez!"
Gately en est à sa sixième ou septième mise en scène de Lucia (1835), le chef-d’oeuvre de Donizetti (qui était un brin workaholic lui-même, ayant composé près de 70 opéras!). "Je l’ai fait 4 ou 5 fois, puis, je n’y ai plus touché durant 15 ans avant d’y revenir, explique-t-il. J’ai l’impression de visiter un vieil ami." La dernière visite remonte à l’année dernière (aussi à Fort Worth): "Il y a certains éléments qui sont les mêmes, à commencer par le chef d’orchestre, Steven White, et le ténor Stephen Costello, qui joue Edgardo. Je l’ai connu à l’Academy of Vocal Arts de Philadelphie, comme la soprano Eglise Gutierrez (Lucia), et je les considère un peu comme mes étudiants."
On sait que Gately peut s’amuser à l’occasion au jeu de la transposition (on se souvient de son Don Pasquale au Far West, lors de son dernier passage chez nous, en 2005), mais cette fois-ci, le traitement sera plus classique: "Je lui donne un traitement shakespearien, très dramatique, qui contraste un peu avec le côté old fashion du bel canto." Il y a dans cette histoire de familles rivales et d’amours interdites beaucoup de haute voltige vocale et quelques scènes mémorables, dont le fameux sextuor du deuxième acte et la très célèbre "scène de la folie", dans laquelle de nombreuses grandes chanteuses se sont illustrées. "Le sextuor est surtout célèbre pour son extraordinaire musicalité, commente le metteur en scène, mais au point de vue de l’action scénique, il ne s’y passe pas grand-chose qui fasse avancer l’action. Quant à la mad scene, bien entendu, elle est l’une des très grandes scènes pour soprano, mais celle que je préfère est le moment où Enrico (Jorge Lagunes, baryton) démontre à Lucia l’infidélité (fausse) d’Edgardo et la pousse à épouser Arturo (Antoine Bélanger, ténor). Je trouve que c’est brillamment écrit."
Selon David Gately, le chef Steven White a fait un travail remarquable lors de la production de l’année dernière, et il s’attend à ce qu’il récidive ici devant l’Orchestre Métropolitain. Les décors, qui viennent de l’Opéra de Dallas, sont d’Henry Bardon et ils seront éclairés par Anne-Catherine Simard-Deraspe.