Yannick Rieu : Aux limites du jazz
Yannick Rieu sait comment s’entourer pour mieux se mettre à l’épreuve. Il nous propose Spectrum, un collectif qui fait la fusion des genres.
Le saxophoniste qui fut récipiendaire du prix Oscar-Peterson en 2006 ne cesse d’entrevoir et de défricher de nouveaux sentiers artistiques. Avec Spectrum, Yannick Rieu a plongé dans une expérience où les rencontres musicales se sont multipliées. À géométrie variable, ce groupe a intégré le guitariste Jocelyn Tellier, le contrebassiste Adrian Vedady et le claviériste Daniel Thouin, entre autres, dans un concept polyvalent et audacieux qui s’éloigne du jazz standard. Pour son spectacle à Québec, il sera accompagné du guitariste Jean-Sébastien William, du bassiste Rémi-Jean Leblanc et du batteur Samuel Joly, dans ce qui s’annonce comme une joute d’improvisation au caractère impressionniste.
"J’ai fait appel à des gens de milieux différents, qui oeuvrent dans des disciplines musicales parfois indépendantes du jazz, explique-t-il. Je ne leur impose pas de directives précises, je ne suis pas là pour les diriger, au contraire. Mon écriture, elle est très simple: quelques cellules mélodiques qui sont très fortes et qui nous permettent de développer. Ces musiciens, ils m’accompagnent parce que j’aime la façon dont ils jouent. La seule demande que je peux leur faire, c’est d’être eux-mêmes. C’est l’addition de toutes ces personnalités qui nous donne l’impression qu’il se passe quelque chose de différent."
À l’écoute de cette dernière production, nous avons l’impression que l’interprète opère une forme de cassure. Son précédent album, intitulé Saint-Gervais (2007), était en formule trio et ancré dans un répertoire jazz acoustique. Une formule plus standard qui contraste maintenant avec sa nouvelle création.
"De l’extérieur, je peux comprendre qu’on considère ça comme une cassure, mais ce n’est pas le cas, affirme-t-il. Spectrum s’additionne aux autres projets qui sont en cours. Des projets acoustiques et plus standard justement. Par exemple, ces temps-ci, je travaille avec le pianiste François Bourassa dans une formule en quartette. C’est une forme d’expression que je trouve très intéressante, mais je ne peux pas m’empêcher d’aller voir ailleurs et de créer dans un cadre plus expérimental. Pour moi, c’est en continuité."
Alors qu’il a pu présenter Spectrum en Chine, au Beijing NineGates Jazz Music Festival en 2008, l’artiste compte bien donner suite à ce rayonnement ce printemps. Un dénouement heureux alors que le gouvernement fédéral sabrait, il n’y a pas si longtemps, dans un programme d’aide aux tournées artistiques à l’extérieur du pays. "Au Canada, et au Québec en particulier, nous sommes très mal encadrés, constate-t-il. Nous ne sommes pas des Américains, alors on se dit que le jazz n’est pas notre musique. Il a fallu qu’on jongle pour cette prochaine tournée en Chine. D’ailleurs, nous avions acheté les billets d’avion sans savoir si ça allait marcher. Disons que c’était sur la corde raide. Le danger avec ces politiques, c’est de mettre sur le même pied la culture et les profits. Tout doit rapporter aujourd’hui. J’ai l’impression qu’on est train de dépasser certaines limites. Ça ne sert à rien d’être trop noir, mais parfois, j’ai l’impression qu’on est sur une pente descendante."
À écouter si vous aimez /
Mozaic Sextet, Weather Report et Joe Lovano