Lucia de Lammermoor : Le sang va couler
Musique

Lucia de Lammermoor : Le sang va couler

À l’Opéra de Montréal, Lucia de Lammermoor étire encore son agonie pendant trois soirs.

On dit que certaines sopranos auraient déjà suggéré que le chef-d’oeuvre de Gaetano Donizetti se termina à la mort de Lucia, point culminant de la "scène de la folie" (première scène du troisième acte). Pas si fou. Parce qu’après le sport extrême que représente pour la soprano (Eglise Gutierrez, qui récolte de longs applaudissements) cet air tout en montagnes russes, le rideau qui tombe et l’annonce "trois minutes de pause" arrive comme un magistral anticlimax.

Évidemment, si on le faisait, on couperait au ténor l’une de ses grandes scènes, en l’occurrence la dernière, celle du suicide, et comme l’Américain Stephen Costello (Edgardo) a la plus belle voix de cette production, et le jeu le plus actif, ce serait quand même dommage. Mais ça donnerait néanmoins un peu de rythme à une oeuvre parsemée de longueurs, dans laquelle le metteur en scène David Gately aurait pu resserrer un peu l’intrigue, ne serait-ce que pour pallier la lourdeur d’une scénographie peu fonctionnelle, qui allonge la durée de la représentation pour finalement bien peu de choses.

Le début était un peu brinquebalant en ce soir de première, avec quelques cafouillis rythmiques à l’orchestre, et un Enrico (le baryton Jorge Lagunes, d’une bonne tenue par la suite) qui s’en inspirait peut-être pour flouer à son tour quelques débuts ou fins de phrases; on peut croire que l’on se sera ajusté pour les représentations suivantes. L’oeuvre est longue à démarrer, toute la première moitié étant constituée d’une suite de duos qui mettent la table pour le destin tragique des amoureux, et l’on n’est pas fâché d’arriver à la scène du mariage, à la fin du deuxième acte, durant laquelle le choeur anime enfin le plateau.

C’est encore mieux au début du troisième acte, en plein party (celui que Lucia s’apprête à casser d’aplomb), et le plaisir qu’ont les membres du choeur à jouer y est tout à fait communicatif. Parmi les quelques voix de chez nous, celle de la basse Alain Coulombe, sombre et sans reflets, donne à son Raimondo la solennité que réclame le rôle. Le chef Steven White et l’Orchestre Métropolitain accompagnent l’action efficacement, sans plus. En bref, un beau gros drame bien lourd, mais sans éclat.