Richard Séguin : Entre cris et murmures

On croyait Richard Séguin entre deux projets, qu’il se la coulait douce, mais il n’en est rien. Il sera du gros show de la Saint-Jean-Baptiste sur les plaines d’Abraham (diffusé le 23 juin à 21h30 sur Télé-Québec), monte un spectacle dans lequel 400 choristes revisiteront son répertoire, son disque Solo est maintenant offert en ligne…

Tout de même, de son petit village situé au pied des Appalaches, le charismatique songwriter prend le temps de vivre… sans pour autant avoir fermé les valves de la création. "On vit tout le temps, lance-t-il. J’essaie de faire des choses, du concret. Ici, j’aime ça. J’ai un petit studio en montagne. Je pense beaucoup à ce qui s’en vient, à comment les chansons vont se former…" Ainsi, la suite de l’album Lettres ouvertes se dessine tout doucement. Pour l’instant, sa seule certitude à cet égard est qu’il s’entourera de la même équipe de musiciens. "Je vais commencer à écrire en septembre." L’automne saura l’inspirer.

L’ORIGINE DU FEU

Fait étonnant: c’est la première fois que Richard Séguin participe au grand spectacle de la Fête nationale sur les plaines d’Abraham. Avec le thème de cette année, "Une voix qui porte", pas surprenant qu’on ait pensé à lui, ainsi qu’à plusieurs autres auteurs-compositeurs-interprètes (Daniel Boucher, Yann Perreau, Louise Forestier, Mara Tremblay…). L’événement comprendra même un numéro spécial inspiré d’une chanson des Séguin. "On a composé une chanson qui se nomme La Fête du feu. L’organisation voulait donner un sens à ce rituel. J’ai demandé de l’inscrire en lien avec les Premières Nations. On a donc rattaché ça à une symbolique historique. C’est bien de se rappeler pourquoi il y a un feu à la Saint-Jean."

Mais la Saint-Jean représente beaucoup plus. C’est une occasion de dire haut et fort, ou même de crier, qu’il est encore essentiel de lutter pour la survie du français. Évidemment, la souveraineté du Québec fait partie de la réflexion de Richard Séguin, même si chacun vit cette fête comme il l’entend. "C’est sûr que moi, je chante le pays du Québec, précise-t-il. Je l’écris au "je", mais je le rêve au "nous". Je cherche encore les mots qui peuvent rassembler tout le monde dans le désir du pays."

Le chanteur préfère exprimer sa position par sa poésie, ses chansons, même si son discours saurait en atteindre plusieurs. "J’ai mal et je ne comprends rien à un gouvernement fédéral qui dépense 31 milliards pour l’armement, qui s’en va en Afghanistan pour défendre la démocratie. Pourquoi pas en Birmanie? J’ai honte quand Harper se prononce contre Kyoto, contre la déclaration des droits des peuples autochtones, pour les coupes dans l’aide aux artistes… Je trouve qu’il y a tellement de choses qui nous distinguent. Il faudrait peut-être se rappeler quel genre de réalité on veut vraiment."

SOLO(S) A EMPORTER

Solo, un album de Richard Séguin paru en 2003, connaît ces jours-ci une deuxième vie en étant offert sur iTunes. "Je le voulais parallèle. Ça se vendait seulement dans les spectacles, mais j’avais plusieurs demandes. C’est pourquoi on l’a mis en ligne… Mais je ne veux pas me faire prophète de la disparition du disque." L’artiste ne désire pas entrer dans ce débat, surtout qu’il n’est pas un adepte de cette technologie. "À Saint-Venant, on n’a pas haute vitesse (rires)."

Quant à ceux qui l’ont, ils pourront télécharger les plus belles chansons de Séguin, jouées de manière dépouillée. "Quand t’es tout seul avec ta guitare, c’est l’épreuve par excellence pour ta chanson. C’était vrai autant pour Woody Guthrie que pour Félix."

Ainsi, entre les cris sur les Plaines et les murmures sur Solo, Richard Séguin continue de trouver les mots justes. "Ce qui est murmuré, c’est souvent ce qui peut être crié. C’est un gros paradoxe. Le murmure te rapproche de ce qui est très intime. Même le cri de révolte, lorsqu’il est murmuré, cache une colère profonde."

Et si les mots rassembleurs se trouvaient en cette colère? Richard Séguin saura nous le dire.

Solo
Richard Séguin
(Éditions de la roche éclatée)
En vente sur iTunes