Malajube : Le fil d'Ariane
Musique

Malajube : Le fil d’Ariane

Malajube débarque au FestiVoix quelques mois après avoir lancé son troisième album, Labyrinthes, qui a été créé en partie à Sainte-Ursule, en Mauricie.

Avec ses trois artères principales, Sainte-Ursule n’a rien d’un labyrinthe. Comptant 1473 âmes selon le dernier recensement, le village de la Mauricie est longé par la rivière Maskinongé qui, à cet endroit précis, se dérobe pour former sept chutes. Le paysage rappelle de bons souvenirs à Julien Mineau, chanteur et guitariste de Malajube. Adolescent, il partait de Sorel à vélo pour prendre le traversier en direction de Saint-Ignace-de-Loyola et pédaler jusqu’aux chutes de Sainte-Ursule, "essentiellement pour "vedger" avec des amis".

Ursulois depuis un an et demi, Julien retourne aujourd’hui sur les lieux pour promener son chien. "J’ai déménagé ici parce que je ne trouvais pas d’appartement à Montréal, explique Mineau. J’avais pas envie de signer un bail à 600 $ par mois et de vivre dans une cour à junkies. Ma copine et moi souhaitions avoir un enfant, alors on cherchait un endroit tranquille, où je pourrais jouer de la musique, ne pas être collés sur les voisins et avoir un peu d’espace. Pour le même prix qu’un loyer dans Hochelaga, je peux dormir dans une chambre différente chaque soir de la semaine."

Assis dans un grand salon blanc où s’accumulent les instruments de musique, Julien discute de tout et de rien: de sa passion pour les vieux Wurlitzer qu’il achète sur eBay et restaure; des jarretelles qu’il a trouvées dans le grenier; et de son horloge biologique déréglée qui le force à se lever tôt depuis une tournée au Japon. "J’ai déjà lu des articles où on prédisait que j’allais mourir jeune ou que je finirais dans un hôpital psychiatrique. Je suis pas mal plus sage que le monde peut le croire."

BETE A HUIT MAINS

Mathieu Cournoyer (basse), Thomas Augustin (claviers) et Francis Mineau (batterie) ont parcouru plus d’une fois la centaine de kilomètres qui sépare Montréal de Sainte-Ursule. En plus de s’y rendre pour enregistrer une partie de Labyrinthes au mois de septembre 2008, les trois musiciens y ont rejoint Julien plus tôt dans l’année pour finaliser les 10 chansons immortalisées sur le troisième gravé de Malajube. "On a composé le disque à quatre. C’est une chimie qui nous va bien", commente Julien. "On savait qu’on voulait un album plus cru. On voulait s’éloigner de Trompe-l’oeil, alors on est parti dans tous les sens. C’est pour ça que le disque se nomme Labyrinthes. Ça représente bien les structures bizarres de nos nouvelles pièces. Il n’y a rien de vraiment simple, on peut prendre quatre ou cinq directions dans une seule chanson."

Plus exploratoire que pop, le disque ne renferme pas de petite bombe accrocheuse. Sombre, à l’image de sa pochette violette, Labyrinthes n’est peut-être pas le compact qui ravira les fans conquis par l’entrain de Montréal -40 °C. Julien en est conscient. "À date, on a été chanceux. Tout le monde aime notre musique, mais là ça risque de changer. La loi de la moyenne va nous rattraper."

LA VIE ET AUTRES HISTOIRES URSULOISES

Si la musique se compose à quatre, les textes de Malajube sont tous signés Julien Mineau, et le village de Sainte-Ursule teinte plusieurs chansons du disque. "Ursuline fait référence à la légende européenne des onze mille vierges de sainte Ursule. Une jeune fille nommée Ursule souhaitait demeurer vierge et catholique, mais comme son père avait promis sa main à un païen, elle s’est enfuie avec 10 de ses amies pour ensuite se faire martyriser et mettre à mort par les Huns. Je trouvais ça bizarre de lire cette histoire tout en restant en face de l’église de Sainte-Ursule.

"Porté disparu est aussi une chanson inspirée de ma vie à Sainte-Ursule. Un jour, des hélicoptères se sont mis à survoler le coin. Des gens frappaient aux portes pour montrer les photos d’un homme disparu. Il rôdait dans les cours le long de la rivière. Son corps a été retrouvé dans un village voisin."

Sur une note plus joyeuse, le texte d’Hérésie prend la forme d’un pied de nez à la société moderne lorsque Julien entonne: "Chacun joue son rôle / Je suis là pour détruire mon corps". "Aujourd’hui, chacun fait sa part pour sauver la planète ou pour joindre les deux bouts. Pendant ce temps, je suis payé pour composer de la musique weird et fumer des joints. C’est pas sérieux comme boulot. Depuis qu’il a appris que je jouais dans un groupe pour gagner ma vie, le boulanger du coin m’offre une job chaque fois que je le visite. "T’es sûr que tu ne veux pas venir travailler avec moi? Faire de la musique, c’est pas un vrai travail." Il a un peu raison, mais je ne pense pas mettre la main à la pâte de sitôt."