Rock Story 2 : Rock pour tous
Rock Story 2 fait la preuve qu’il n’y a rien de plus fédérateur qu’un classique du rock.
Il y a quelque chose de forcément burlesque à voir Jean Ravel accroupi au devant de la scène, le visage baigné d’une lumière écarlate, attaquer A Criminal Mind avec une intensité toute shakespearienne.
Cette saynète cristallise ce qui agace avec les revues musicales du genre de Rock Story 2, un malaise que des interprétations fougueuses et d’une palpable sincérité, dans ce cas précis, rachètent, pour peu que l’on soit de ceux qu’une power ballad de Scorpions émeut. D’après les proverbiaux ébahissements – "C’est ma toune!" – qui fusent tout au long du spectacle, ils sont toujours légions.
Composé de classiques rock des années 70 et 80, le répertoire joue parfois d’audace. Elyzabeth Diaga nous sert une sulfureuse Don’t Get Me Wrong qui n’indignerait sans doute pas son interprète originale, la plus tempétueuse des new-waveuses, Chrissie Hynde. Un exploit.
D’autres choix sont sujets à caution (Loverboy, Bon Jovi), et bien que l’adoption d’une acception large du genre de prédilection soit louable, on se demande toujours ce que What’s Love Got to Do with It a de rock (les jambes de Tina Turner avons-nous supputé), idem pour Sinéad O’Connor (la photo du pape déchirée en pleine télé? Plutôt punk!).
ROCK MA VIE
Jean Ravel a donné une bonne partie de sa carrière au rock, dans les bars, mais plonge pourtant dans chaque chanson comme si elle venait d’émerger au palmarès. Le public l’ovationne à deux reprises: après Bohemian Rhapsody, une bravade, et après le pot-pourri de Styx.
Elyzabeth Diaga – survoltée, lascive, désinhibée – nous fait quant à elle le grand coup de la vedette glam. La rockeuse s’offre une version "plus féminine" de Sweet Child O’Mine, qui laisse croire qu’elle a appris son métier sur le Sunset Strip.
L’attention aux détails évocateurs écarte les accusations d’opportunisme: le demi-pied de micro tout droit sorti de la panoplie de Freddie Mercury, le solo de talk box de Do You Feel like We Do, la perruque blonde à la Blondie, etc.
Rock Story 2 propose un rock dévoyé de l’indépendance d’esprit qui l’a un jour animé. Un tel discours chagrin relève toutefois de la mortification quand Ravel et Diaga arrivent en ville. À voir la foule intergénérationnelle massée au Vieux Clocher de Sherbrooke, nous nous interrogeons, en bon sociologue de salon: le rock enrichirait-il désormais notre vivre-ensemble?