Alain Lefèvre : Honneurs et humeurs
Musique

Alain Lefèvre : Honneurs et humeurs

Chevalier, ambassadeur ou soliste, Alain Lefèvre est souvent à l’avant-scène. À Lanaudière ou au FIJM, le pianiste s’implique, et se mouille.

Le 17 juin dernier, le gouvernement du Québec conférait au pianiste Alain Lefèvre le titre de Chevalier de l’Ordre national du Québec afin de souligner son immense talent, bien sûr, mais aussi en reconnaissance de sa grande implication dans la défense de la musique classique et des musiciens d’ici. On pense évidemment à son travail pour la résurrection, littéralement, du catalogue d’André Mathieu, mais aussi au travail qu’il fait, chaque dimanche, au micro d’Espace musique. "Il y a des honneurs qui sont plus émouvants que d’autres, note le pianiste, et celui-ci est de ceux-là. Quand le premier ministre te parle "au nom du peuple québécois", tu as le moton dans la gorge!"

Je rencontre Alain Lefèvre le 24 juin, et il est fâché. "On nous dit que c’est extraordinaire, que cette année c’est plus rock que l’année dernière, que toutes les cultures sont représentées, etc., mais je me demande quelle est la part de la musique classique? On monte aux barricades à propos de deux groupes qui chanteront quelques minutes en anglais, mais on place la musique que j’aime et que je défends dans une position qui est de plus en plus insoutenable. Je trouve ça lamentable et odieux qu’il n’y ait aucune place pour nos compositeurs. Surtout quand on considère le budget littéralement phénoménal qui est investi là-dedans."

Heureusement qu’il y a les festivals… L’idée derrière la redécouverte du catalogue d’André Mathieu, que Lefèvre pilote depuis le début de ce siècle, ce n’était pas de s’en faire une chasse gardée mais, bien au contraire, de jouer le rôle de passeur afin de faire rayonner l’oeuvre. C’est lui qui devait donner la première nord-américaine du Concertino no 2 de Mathieu, lors du tout premier concert du Festival de Lanaudière, le 4 juillet en après-midi, mais il en a confié l’interprétation au jeune Wonny Song. "Je devais d’abord le faire au concert du soir, mais le programme est déjà très costaud, puis on voulait le faire en après-midi, mais certains des musiciens de la Sinfonia sont aussi dans l’OM, et ça devenait un casse-tête pour les répétitions. Et puisque le concert de l’après-midi est celui des jeunes, que je présente, alors il était normal d’offrir l’oeuvre à un jeune pianiste; ça ne m’enlève rien, au contraire. Les gens pourront entendre ma version sur disque en septembre."

En soirée, Lefèvre interprétera le Concerto en fa de Gershwin, avec l’OM et son chef Yannick Nézet-Séguin (qui viendra, lui, de diriger son tout premier Sacre du printemps): "C’est un très grand concerto, que j’adore et que j’ai joué souvent. Ça nous fera un sacré programme!" Après l’ouverture de Lanaudière, c’est à la clôture du FIJM que l’on retrouvera Lefèvre, alors qu’il participera au concert Montréal Variations en compagnie des huit autres pianistes qui ont participé à l’enregistrement du disque paru chez Analekta l’année dernière. "J’y jouerai Ville Émard la belle, une pièce qui me tient à coeur, puisque c’est le quartier de mon enfance." Le pianiste nous promet d’ailleurs un quatrième disque de compositions pour février prochain.