Jimmy Cobb : L'impérissable bleu
Musique

Jimmy Cobb : L’impérissable bleu

Véritable lapin Energizer, le batteur Jimmy Cobb, 80 ans bien sonnés, parcourt la planète à l’occasion du cinquantenaire de sa plus célèbre aventure musicale: Kind of Blue!

"Ce disque est forcément important pour moi. D’abord, j’y côtoyais des géants; puis il a acquis avec le temps un statut historique. Enfin, j’en suis le seul survivant." Quand il évoque Kind of Blue, album-phare s’il en est, il n’y a guère de nostalgie dans la voix de Jimmy Cobb. Et pourtant… "Ces gars me manquent terriblement", avoue tout de même l’octogénaire. Par "ces gars", il entend le contrebassiste Paul Chambers, les pianistes Wynton Kelly et Bill Evans, les saxos Cannonball Adderley et John Coltrane… et leur leader, le trompettiste Miles Davis, dont Cobb fut le batteur durant cinq ans. "Mais ils sont encore avec moi. Dès que j’écoute cette musique, en fait."

À la faveur des continuelles rééditions, Cobb a affirmé que le disque désormais paré d’une auréole avait été enregistré au paradis! Le paradis en question, joli hasard, était une vieille église russe de New York, reconvertie par la Columbia en vaste studio. "Un studio sensas, vraiment, où ils enregistraient tout le monde: des orchestres symphoniques, mais aussi Basie, Ellington, Billie Holiday." À la suggestion d’un lien entre l’ancienne vocation de l’endroit et la spiritualité qui imprègne l’album, Cobb acquiesce: "Je n’y avais jamais pensé, c’est peut-être une explication." Cela dit, lors de ces deux après-midis du printemps 1959, l’ambiance n’était pas exempte de tension, surtout pour Wynton Kelly qui eut la surprise de trouver sur les lieux son prédécesseur Bill Evans avec qui Miles avait élaboré le concept. "Miles aimait jouer avec votre tête, rigole-t-il. Mais les choses se sont tassées quand Wynton a su qu’il jouerait, lui aussi, sur le disque."

Comme moi, Jimmy Cobb s’étonne de ce que Miles ait prétendu dans ses mémoires que le disque fini ne correspondait pas tout à fait ce qu’il cherchait à créer. "J’ignore ce qu’il voulait dire; en studio, nous avons fait exactement ce qu’il demandait. L’une des forces de l’album, c’est sa fraicheur. Chaque fois que vous l’écoutez, c’est comme la première fois." Sereine et sophistiquée, la trame sonore idéale pour des ébats amoureux? "Je ne sais pas, je n’ai jamais essayé!" s’esclaffe le batteur.

Pour la tournée de son "So What Band", le vétéran a recruté de vieux lions, tels le contrebassiste Buster Williams et le pianiste Larry Willis et des souffleurs même pas nés au moment de la sortie de Kind of Blue, nommément le saxo alto Vincent Herring, le ténor Javon Jackson… et le prodigieux trompettiste Wallace Roney, dauphin désigné de Miles. "Les critiques n’ont pas toujours été justes avec lui, l’accusant de n’être qu’un clone de Miles. Wallace a un son et un style à lui, mais il adore jouer comme Miles. Avec cette musique, je vous jure, il y a des moments, si je ferme les yeux, où j’ai envie de pleurer parce que j’ai l’impression que Miles réincarné est sur scène près de moi… ".

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