Matisyahu : Babylone, baby
Plus qu’une curiosité, Matisyahu est un reggaeman accompli. D’ailleurs, l’univers des juifs orthodoxes et celui des rastafaris de Kingston ne sont pas si éloignés qu’on serait tenté de le croire.
Matisyahu aurait pu n’être qu’un phénomène, sa carrière musicale une étrangeté éphémère propulsée par la singularité du personnage.
Né dans une famille juive aux moeurs plutôt laïques, ce natif de la banlieue de New York se convertit à la branche orthodoxe hassidim au début de la vingtaine puis lance sa carrière en tant que chanteur de reggae, dans la lignée des Bob Marley, Burning Spear et Capleton, avec un accent dancehall, mais aussi de hip-hop, soul et pop auxquels il ajoute une touche d’hébreu et de yiddish.
Rien que ça.
On n’a pas encore écouté une note, mais ce court portrait musicographique suffit à capter l’attention. Puis la musique commence, et s’estompe ce petit sourire qui vous barrait la gueule. Son reggae, le plus souvent organique – mais qui verse parfois aussi dans les sonorités dub, électro -, n’a que peu à envier à celui de ses contemporains. Sa voix est limpide. Le débit absolument juste.
Un talent et une authenticité qui confèrent au personnage la crédibilité nécessaire pour éviter le feu de paille.
"Vaincre les préjugés, je sais ce que c’est. Plus jeune, raconte Matisyahu, je me présentais parfois sur scène lors de soirées ouvertes au public, et quand je chantais les premières notes de Redemption Song, une bonne part de l’auditoire, pour la plupart des Noirs, se levait, signifiant sa surprise, sinon son indignation. Moi, le jeune Blanc de la classe moyenne, je chantais du Bob Marley, héros du peuple noir. Je savais alors que je devais les amener au-delà de ce qu’ils voyaient en étant bon, très bon."
Séduit par le reggae dès l’adolescence, il est d’abord happé par les sonorités de cette musique. "Je me perdais là-dedans, dans ce son. Ce n’est que plus tard que j’ai saisi que toutes ces histoires dans les chansons de Marley à propos de récits de l’Ancien Testament et de terre promise, et les références à Sion, à Babylone, à l’Exode… tout cela rejoignait ma propre religion au fond!"
Aidé de différents réalisateurs (dont Bill Laswell) et comparses, celui qu’on a parfois vu sur scène accompagné d’un human beat box musulman continue de prêcher ses idéaux de paix et de fraternité à la manière de ses idoles. "Cela fait partie de ma foi, conclut-il. C’est l’espoir d’un monde meilleur qui porte la foi juive depuis si longtemps."
À écouter si vous aimez /
Bob Marley, Capleton, Burning Spear, Wyclef Jean, King Tubby, Kardinal Offishall