Antoine Gratton : Un CD vaut mille mots
Antoine Gratton vient nous faire découvrir Le Problème avec Antoine, un troisième album ambitieux où se croisent musique, dessin et cinéma.
En cette période trouble pour l’industrie de la musique, Antoine Gratton se permet un ovni. En plus de contenir le troisième gravé du montréalais, la luxueuse pochette du Problème avec Antoine (sorti en février dernier) inclut un deuxième compact, 30 minutes 100 % instrumentales, ainsi qu’une série de 16 cartons illustrant avec originalité les 16 chansons de l’album. Et dire que certains artistes préfèrent lancer leur disque directement sur la toile, sans la moindre couverture digne de ce nom.
"Je trouve ça fantastique que ma nouvelle maison de disques m’ait appuyé dans ce projet. Mon album n’a rien de radiophonique. C’est un objet pour trippeux de musique. Tant qu’à avoir un disque éclaté avec des intermèdes instrumentaux, pourquoi ne pas viser plus haut en lui donnant une pochette distincte. Mets-en, de la mayonnaise, sur ton sandwich! Tant qu’à ne pas passer par les chemins traditionnels de la chanson, aussi bien le faire pour vrai. Je suis un grand fan des albums-concepts, des disques qui nous font voyager autrement qu’en simple chanson."
Assis dans un café, Antoine Gratton parle rapidement. Les idées se bousculent dans sa tête à la même vitesse que déboulent les influences musicales de ses nouvelles compositions. Comme pour son premier album, Montréal Motel, et Il était une fois dans l’Est, qui lui a valu le Juno du meilleur album francophone en 2007, Antoine joue sans ménagement avec les ambiances rock, soul, pop, électro, funk, country, psychédélique et classique. "Quand j’avais 5 ans, mon père me faisait écouter un paquet de disques. Il me demandait ce que je pensais de tel style ou de telle chanson. Il m’a vite appris à ne pas faire de distinction entre les genres musicaux. Il y a du bon dans tous les styles, me disait-il. Il suffit de le trouver. Ça a été super formateur. Aujourd’hui, je peux jouer avec n’importe quel musicien et je me sens à l’aise", explique celui qu’on a vu derrière le piano de la formation pop Mimosa, qui signe des arrangements de violons sur le dernier disque de Mara Tremblay et qui joue de la claquette sur la trame sonore du film Dédé à travers les brumes.
FAIRE SON CINEMA
Mais il n’y a pas que l’éclectisme dans les genres qui alimente Antoine. Le septième art se fait aussi sentir sur l’album, à commencer pas sa couverture inspirée d’une affiche de film. "Pendant tout le processus d’enregistrement, Éloi Painchaud (qui signe la réalisation et 50 % des chansons) et moi regardions beaucoup de films. Death Proof de Tarantino, L’aventure, c’est l’aventure de Claude Lelouch ou L’Homme orchestre de Louis de Funès. Nous choisissions des oeuvres où la musique joue un rôle important afin que le cinéma ait un rôle important dans notre musique. Nous ne voulions pas juste écrire des tounes, nous voulions créer des images musicales. Dès que j’écoute de la musique, je vois des histoires dans ma tête."
Ainsi, en plus de collaborer avec Jorane, Mara Tremblay et Martin Léon en studio, Antoine a travaillé avec les illustrateurs Mykaël Nelson et Christian Paquette afin de matérialiser les histoires de ses pièces. "Il y a d’abord les cinq intermèdes, cinq séparateurs qui représentent les cinq sens (Les Yeux, Le Parfum, La Bouche, La Peau, L’Oreille). Puis, l’atmosphère des compositions se transforme en croquis qui pourraient bien donner naissance à une bande dessinée. Par exemple, la chanson Malalavie parle de la vie de tournée qui peut vite devenir une vie d’excès. Ce tourbillon a été reproduit en dessin. Quand tu passes ton temps à faire des shows et à vivre des moments si intenses, le lendemain matin, t’as envie de te tirer une balle parce qu’il n’y a plus personne pour t’applaudir. Ça crée un déséquilibre mental avec lequel un artiste doit négocier."
Enfin, Antoine prend une pause, trempe ses lèvres dans sa tisane et relève la tête: "Mais ne t’en fais pas. Tout va mieux depuis que je suis amoureux. Mon mal de vivre s’est estompé."
Ouf, à la tienne…
À écouter si vous aimez /
Okoumé, Dumas, Beck