La Grande Sophie : Une guitariste d’intérieur
La Grande Sophie se métamorphose le temps de son cinquième album, Des vagues et des ruisseaux, un bel opus acoustique, léger et doux, qu’elle vient présenter deux soirs.
Avec La Grande Sophie, il va falloir réviser son jugement. Lors de son dernier passage chez nous, en première partie de Dumas, elle était seule avec sa guitare électrique et sa grosse caisse. Elle carburait au bruit, à la folie pop-rock.
Et puis arrive la sobriété. Aux couleurs vives du précédent disque succèdent des teintes floues, brunâtres et noires, un visage aux yeux mi-clos : la pochette du nouveau marque un virage. Des vagues et des ruisseaux, son cinquième album en onze ans, s’annonce comme un voyage intérieur, plus près des sentiments: "Je trouve ce disque complémentaire. Les quatre précédents étaient électriques, et je me suis rendu compte avec les tournées et les albums que je n’étais pas que ça. Il y avait aussi en moi quelque chose de plus sensible et posé, mais que je n’arrivais pas à amener. Par pudeur, l’émotion ne voulait pas sortir. J’ai pris du temps. J’ai épuré ma musique. J’avais envie d’aller au bout de chaque chanson. C’était un aboutissement. Je voulais qu’on découvre ma voix autrement, aller plus loin dans l’interprétation."
Après ces heures en solitaire, à parcourir les routes des tournées, à creuser son écriture, le temps était venu de s’ouvrir aux autres, de trouver un réalisateur pour canaliser tout ça. Avec Édith Fambuena, elle ne pouvait espérer mieux: ex-membre des Valentins, on l’a croisée chez Daho, Bashung, Pauline Croze, etc. Fambuena, une orfèvre, un gage de qualité: "Je suis allée voir Édith en sachant qu’à tout moment, elle pouvait se mettre à ma place. Elle a fait de la scène, composé, chanté. Je me suis toujours intéressée à son travail, à son évolution. Je lui ai demandé de venir me voir sur scène afin qu’elle puisse cerner ma personnalité. Quand je lui ai apporté mes maquettes, assez abouties, j’ai senti qu’elle avait compris. Elle était là comme un guide."
Il y a de la souplesse dans Des vagues et des ruisseaux, une légèreté qu’on ne confond pas avec frivolité mais avec plaisir. On se laisse porter, glisser dans ces chansons avec beaucoup de guitares sèches, un peu de batterie, des cordes…Ça colle un sourire, même lorsque le propos se fait plus sombre. En France, l’accueil critique semble unanime: des éloges. Visiblement, tous sont séduits par ce virage artistique étonnant. Le CD se clôt en beauté avec une reprise de Dis, quand reviendras-tu? de Barbara.
À Montréal, La Grande Sophie fera le voyage avec trois multi-instrumentistes et jouera pas mal de ses nouvelles chansons: "Je suis contente de venir, et cette fois en salle! La dernière fois, j’avais essuyé pas mal de tempêtes, dit-elle en rigolant. Cette fois, je serai à l’abri." Elle pourra se changer en guitariste d’intérieur.
À voir si vous aimez /
Pauline Croze, Étienne Daho, Catherine Durand