Cindy Doire : Langue retrouvée
Portées par une voix au timbre riche et peuplées de confessions pudiques, les chansons de Cindy Doire transpirent le charme discret des aléas de la vie ordinaire. À découvrir.
La jeune carrière d’auteure-compositrice de Cindy Doire se décline déjà comme une impressionnante liste de rencontres. Avec une série de personnages musicaux aux proportions légendaires, mais d’abord avec elle-même.
"Adolescente, j’avais complètement enterré ma culture francophone", raconte la bourlingueuse native de Timmins qui, après avoir mis pied à terre à Toronto, a désormais élu résidence à Montréal. "Puis, un jour, poursuit-elle, j’ai été invitée à participer à un spectacle, ignorant qu’il n’y aurait là que des artistes francos alors que moi, je chantais en anglais. Plutôt que d’annuler, j’ai monté un répertoire en français."
Un retour sur soi, sur sa propre culture qu’elle avait autrement occultée, et qui modifie radicalement l’aiguillage de son parcours.
Avec sa voix habitée, son accent traînant, Doire se fait rapidement remarquer. D’abord par certains critiques et programmateurs de festivals, séduits par son premier album aux accents jazz, puis par Colin Linden, musicien et réalisateur auquel on doit quelques succès pop-rock canadiens, mais qui prête parfois aussi son talent de guitariste à certaines pointures du country-folk tels Emmylou Harris, The Band ou Bruce Cockburn.
Direction Nashville, où Doire intègre le studio de Linden, côtoie quelques légendes vivantes (dont le bassiste de Johnny Cash, Dave Roe, qui l’accompagne), et complète, quelque part entre la capitale du country au Tennessee et Toronto, un second essai intitulé Chapeau de pluie.
Loin des chromes du son Nashville, plus près d’un country-folk organique qui sied à la perfection à sa poésie désormais plus narrative, ce recueil de chansons ménage les effets au profit d’une ambiance d’ensemble qui, sans rien bouleverser, propose quelques convaincants décors où se déroulent les histoires douces-amères de Doire.
"Mon premier disque était un gros défi, ce n’était pas évident d’écrire en français. Mais là, je pense que je me sentais plus confortable avec ma plume, je me suis un peu plus laissée aller, et ça donne ces histoires-là. Remarque, c’est encore très difficile pour moi d’écrire dans cette langue."
Une langue qui est aussi celle de Patrice Desbiens, poète originaire du même coin de pays que Cindy avec lequel elle partage le déracinement, cette étrange impression d’être assise entre deux cultures, et dans l’oeuvre duquel elle puise quelques nécessaires fragments de vérité. "Je le connais un peu, confie celle qui a d’ailleurs participé à Satori à Québec, un hommage à l’auteur qui a eu lieu au Largo. Il m’appelle sa "fille" parce que je viens aussi de Timmins. Mais autrement, sa poésie est extraordinaire. Évidemment, ça me touche, précise Doire, parce qu’il parle souvent d’endroits que je connais bien. Mais aussi… ses images sont tordues, fuckées, et j’ai cette impression de toucher aux choses pour vrai quand je le lis. Je crois chaque mot qu’il dit."
À écouter si vous aimez /
Joni Mitchell, Mara Tremblay, Emmylou Harris