Rufus Wainwright : Le calme après la tempête
Musique

Rufus Wainwright : Le calme après la tempête

Trois semaines après la première de son opéra Prima Donna à Manchester, Rufus Wainwright met le cap sur la Belle Province pour y présenter un concert solo dans le cadre du festival Osheaga.

"Je suis dans une maison près de la mer, à Long Island. Je me repose. Je me remets du combat que je viens de mener et gagner. Je suis épuisé, mais ça aurait pu être pire", confie Rufus Wainwright au téléphone.

Son combat? L’opéra francophone Prima Donna qu’il a mis trois ans à écrire avant de le voir présenté en première mondiale, le 10 juillet dernier, dans le cadre du Manchester International Festival (MIF), en Angleterre. "C’était une véritable bataille dans le bon sens du terme. Le monde de la pop et celui de l’opéra sont complètement différents. Le milieu de la musique pop se compare à une pyramide où le chanteur se trouve au-dessus d’intervenants à son service. Or, du côté de l’opéra, tout le monde est une vedette avec son ego personnel. Il y a des divas partout et tu dois te battre pour que les gens respectent ton territoire. Il faut faire des compromis, mais même si je suis aussi animé par un ego important, je suis toujours ouvert aux idées qui permettent d’améliorer mon oeuvre."

Mettant en vedette Régine Saint Laurent, une chanteuse d’opéra à la retraite qui s’apprête à effectuer un retour sur scène, Prima Donna était une commande du Metropolitan Opera de New York qui a finalement refusé de le présenter à cause de son texte en français coécrit par Rufus et l’auteure Bernadette Colomine. "L’action se déroule à Paris, et je parle français, alors pourquoi utiliser l’anglais? De plus, les opéras anglophones sont soit excellents, soit vraiment merdiques, alors qu’en français, ça sonne toujours bien."

Laissant les barrières linguistiques de côté, les organisateurs du MIF ont donc sauté sur l’occasion, et le Web regorge aujourd’hui de critiques (plutôt partagées) et de photos prises lors de la première, où Rufus était vêtu à la Giuseppe Verdi. "Toute cette soirée fut un véritable cauchemar, précise le musicien. Avec toute l’attention portée sur moi et le décorum entourant la première, j’étais hyper-nerveux. Lors de la représentation, je ne faisais que remarquer les petites erreurs tout en sachant que les médias étaient là pour juger le spectacle. Pour être franc, ce fut une véritable torture. Quand tu passes trois ans à écrire toutes les notes d’un opéra, tu finis par le voir avec le regard d’une mère protectrice."

Présenté à Toronto en 2010, est-ce que Prima Donna sera joué au Québec? "Je sais que certaines personnes sont intéressées par le projet, surtout que mon personnage principal est une Montréalaise qui vit à Paris. Il y a un lien certain à faire. On verra."

VIRAGE ACOUSTIQUE

La création artistique étant un processus complexe – tout comme la personnalité de l’esthète ici interviewé -, il n’est pas rare de voir un créateur épris d’un mal de vivre après la livraison d’une oeuvre aussi colossale qu’un opéra. Parlez de l’après-Mutantès à Pierre Lapointe… Conscient du piège, Rufus évite de s’égarer dans les pensées négatives en se concentrant déjà sur de nouveaux projets: le lancement cet automne d’un CD/DVD enregistré en concert (Milwaukee at Last) et, surtout, l’écriture d’un disque solo au piano à paraître tôt en 2010. Un contraste évident avec les autres compacts de Rufus et avec la grandiloquence de Prima Donna. "J’avais besoin de ce changement. Je fais le contraire de Bob Dylan ou de mon père (Loudon Wainwright III). Je passe de groupe électrique à artiste solo acoustique."

En solo sur la scène d’Osheaga, le compositeur âgé de 36 ans présentera quelques nouvelles pièces ainsi que des extraits de ses cinq albums studio.

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